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connaître du monde entier. L’opération ne pourrait que contribuer à confirmer la légitimité de<br />
son accession au pouvoir.<br />
Le président prend l’avion pour <strong>le</strong> Nouveau Monde. L’accueil à la Maison Blanche fut<br />
courtois sans plus. Puis <strong>le</strong> voilà à Paris. Le président Mitterrand avait programmé un entretien<br />
d’une heure à l’Elysée afin de pouvoir traiter avec son hôte des divers aspects des relations<br />
bilatéra<strong>le</strong>s. Il donne la paro<strong>le</strong> au président <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> et l’écoute. Au bout de vingt minutes, ce<br />
dernier se tait. Le président français met fin à l’entretien avec beaucoup de tact.<br />
Conformément au protoco<strong>le</strong>, il <strong>le</strong> raccompagne jusqu’à la sortie et lui fait ses adieux sur <strong>le</strong><br />
perron. "C’est un minab<strong>le</strong>", dira-t-il à l’un de ses familiers. Toutefois, il répondra avec<br />
empressement à un désir exprimé par <strong>le</strong> successeur de Bourguiba: visiter Saint-Cyr, lieu de sa<br />
formation. Le président <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> se rendit donc à Coëtquidan, en Bretagne. Il y fut reçu avec<br />
beaucoup d’égards. On lui fait visiter <strong>le</strong>s lieux et, en particulier, <strong>le</strong> Musée du Souvenir. A sa<br />
grande surprise, on lui révè<strong>le</strong> que bien avant la promotion Bourguiba, d’autres Tunisiens<br />
avaient reçu une formation à Saint-Cyr non seu<strong>le</strong>ment avant l’indépendance de la Tunisie<br />
mais même antérieurement au protectorat, du temps de Napoléon III. <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong>, bouche bée,<br />
regarde <strong>le</strong>s portraits qu’on lui montre. Voici Omar Guellati, de la promotion du 14 août 1870<br />
(1869-1870), et voici <strong>le</strong>s deux plus anciens Tunisiens: Kadri et Mourali, de la promotion de<br />
Puebla (1862-1864).<br />
Ravi, <strong>le</strong> président demande à voir <strong>le</strong>s traces du souvenir de la promotion Bourguiba et en<br />
particulier du 4 e bataillon dont il faisait partie. On lui fit savoir avec regret que seu<strong>le</strong> la<br />
formation norma<strong>le</strong> a été archivée sans distinction entre Français et Tunisiens. Mais rien n’a<br />
été conservé du 4 e bataillon ou bataillon à formation accélérée. Quel<strong>le</strong> désillusion! <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong><br />
quitte Coëtquidan quelque peu chiffonné.<br />
En grands seigneurs, <strong>le</strong>s responsab<strong>le</strong>s de l’Eco<strong>le</strong> Spécia<strong>le</strong> Interarmes feront une f<strong>le</strong>ur à <strong>Ben</strong><br />
<strong>Ali</strong> deux décennies plus tard. A l’occasion du bicentenaire de la fondation de l’éco<strong>le</strong> de Saint-<br />
Cyr, un volumineux ouvrage est édité chez Lavauzel<strong>le</strong>. <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> y est cité cinq fois. Son<br />
curriculum vitae y est indiqué (p. 366) Ceux de ses camarades du 4 e bataillon promus à des<br />
fonctions importantes sont éga<strong>le</strong>ment mentionnés. Ainsi figurent, en bonne place, Habib<br />
Ammar (p. 401), Abdelhamid <strong>Ben</strong> Cheikh (p. 421), Saïd El Kateb (p. 434) et Youssef<br />
Baraket (459).<br />
Avec l’humour qui caractérise l’esprit critique français, <strong>le</strong>s auteurs notent, dans une autre<br />
partie de <strong>le</strong>ur ouvrage, que <strong>le</strong> Saint-Cyrien africain, de retour à son pays d’origine, se mue en<br />
Maréchal-Président-dictateur (p. 432-433). Une façon d’affirmer qu’ils s’en lavent <strong>le</strong>s mains.<br />
* * *<br />
Aussitôt installé sur <strong>le</strong> "trône " de la République, <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> renforce son emprise sur <strong>le</strong> PSD,<br />
qui change de dénomination en 1988 et devient <strong>le</strong> Rassemb<strong>le</strong>ment Constitutionnel<br />
Démocratique (RCD). Il met en route une grande partie des réformes revendiquées par<br />
l’opposition, mais il ne tarde pas à <strong>le</strong>s vider peu à peu de toute substance. Il amende ainsi la<br />
Constitution pour y supprimer la présidence à vie instaurée au profit de son prédécesseur en<br />
1975, limite <strong>le</strong> nombre de mandats présidentiels à trois, promulgue une nouvel<strong>le</strong> loi<br />
organisant et limitant la durée de la garde à vue, supprime la Cour de sûreté de l’Etat,<br />
juridiction d’exception perçue comme <strong>le</strong> symbo<strong>le</strong> de la dictature, supprime la fonction de<br />
procureur général de la République, qui symbolisait l’assujettissement de l’ensemb<strong>le</strong> du corps<br />
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