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L’islam politique: vraie menace ou alibi commode<br />
A côtés des huit partis légaux déjà présentés, la Tunisie compte plusieurs partis dit "illégaux",<br />
car non autorisés par <strong>le</strong> gouvernement, mais qui disposent d’une certaine audience parmi la<br />
population. C’est <strong>le</strong> cas, notamment, du Parti Ouvrier Communiste Tunisien (POCT, extrêmegauche<br />
révolutionnaire), actif dans <strong>le</strong>s milieux universitaire et syndical, <strong>le</strong> Congrès Pour la<br />
République (CPR, libéral démocrate), fondé par Dr Moncef Marzouki, ancien président de la<br />
LTDH, qui vit aujourd’hui en exil en France, Tunisie Verte (TV, écologiste de gauche) et,<br />
surtout, <strong>le</strong> parti Ennahdha (Renaissance), héritier du Mouvement de la Tendance Islamiste<br />
(MTI). Fondé en 1981, ce parti a adopté son nom actuel en 1989.<br />
Dirigé par Rached Ghannouchi, proche des frères musulmans égyptiens, Ennahdha a fait<br />
beaucoup de concessions dans l’espoir de se voir accepter par <strong>le</strong>s autres forces politiques,<br />
mais ses demandes successives de légalisation ont toutes été refusées, la loi ne reconnaissant<br />
pas de partis fondés sur une base religieuse.<br />
Les législatives de 1989, qui ont vu la participation de listes indépendantes soutenues par<br />
Ennahdha, ont permis au mouvement de remporter près de 15% des suffrages. Cette<br />
démonstration de force semb<strong>le</strong> avoir a<strong>le</strong>rté <strong>le</strong> régime sur <strong>le</strong>s capacités de mobilisation de ce<br />
mouvement très ancré parmi <strong>le</strong>s classes populaires et moyennes. Le régime n’a pas tardé à<br />
sévir. Certains dirigeants du mouvement ont donc dû fuir à l’étranger, comme Ghannouchi,<br />
exilé à Londres depuis la fin des années 1980. Ceux d’entre eux qui n’ont pu fuir à temps ont<br />
tous été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison pour complot contre l’Etat. Tous,<br />
ou presque, ont été libérés après avoir purgé <strong>le</strong>urs peines, mais ils restent soumis aux<br />
procédures de contrô<strong>le</strong> administratif, s’ils ne sont pas assignés à résidence. Mais, malgré la<br />
surveillance étroite dont font l’objet ses membres, Ennahdha est loin d’avoir été démantelé.<br />
On peut même affirmer qu’il a repris ses activités plus ou moins clandestinement, en se<br />
positionnant de nouveau dans <strong>le</strong>s structures estudiantine, syndica<strong>le</strong> et associative, en espérant<br />
reprendre bientôt sa place sur l’échiquier politique.<br />
La Tunisie est donc aujourd’hui, avec la Syrie et la Libye, l’un des rares pays de la région à<br />
renier encore aux islamistes <strong>le</strong> droit de créer un parti et de participer à la vie politique. Cette<br />
position intransigeante, adoptée depuis 1991 et jamais abandonnée depuis, n’a pourtant pas<br />
mis fin au fondamentalisme religieux. Au contraire, certains analystes pensent même qu’el<strong>le</strong> a<br />
dopé <strong>le</strong> mouvement islamiste et renforcé son influence sur une jeunesse aux prises avec une<br />
grave crise d’identité.<br />
Car, malgré <strong>le</strong>s efforts de l’Etat pour combattre l’islamisme politique, assécher ses sources,<br />
réduire la pauvreté qui en fait souvent <strong>le</strong> lit, assurer un contrô<strong>le</strong> strict des 4 000 mosquées que<br />
compte <strong>le</strong> pays, encadrer <strong>le</strong>s imams et harmoniser <strong>le</strong>s contenus de <strong>le</strong>urs prêches, intégrer <strong>le</strong>s<br />
éco<strong>le</strong>s coraniques dans <strong>le</strong> système éducatif national, purger <strong>le</strong>s programmes d’enseignement<br />
des scories obscurantistes, encourager l’esprit rationaliste, bref moderniser la pratique de<br />
l’Islam, beaucoup de Tunisiens se montrent encore attentifs aux prêches des prédicateurs<br />
extrémistes d’Egypte, d’Arabie Saoudite et d’ail<strong>le</strong>urs. De même, beaucoup de Tunisiennes<br />
choisissent de porter <strong>le</strong> foulard (hijab), à la manière de <strong>le</strong>urs consœurs du Machreq, alors que<br />
<strong>le</strong>s autorités veil<strong>le</strong>nt au grain, appliquant scrupu<strong>le</strong>usement <strong>le</strong> circulaire n° 108 de 1981<br />
interdisant <strong>le</strong> port du foulard dans <strong>le</strong>s éco<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s lieux publics.<br />
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