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de la magistrature au pouvoir exécutif, fait ratifier sans aucune réserve la Convention<br />
internationa<strong>le</strong> contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou<br />
dégradants, promulgue une loi sur <strong>le</strong>s partis politiques qui renforce <strong>le</strong> pluralisme et, dans la<br />
foulée, autorise de nouveaux partis.<br />
Dans la même volonté d’apaisement en direction de la société civi<strong>le</strong>, <strong>le</strong> nouveau président<br />
esquisse aussi une ouverture en direction des partis de l’opposition, des associations, dont la<br />
Ligue Tunisienne de défense des Droits de l’Homme (LTDH) et de la classe intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>. Un<br />
Pacte national rassemblant <strong>le</strong>s différentes formations politiques et socia<strong>le</strong>s du pays est signé <strong>le</strong><br />
7 novembre 1988 et engage <strong>le</strong>s signataires au respect de l’égalité des citoyens des deux sexes,<br />
des acquis du Code du Statut Personnel (CSP), des principes républicains et du refus d’utiliser<br />
l’islam à des fins politiques.<br />
Ce texte fondateur, aujourd’hui presque jeté aux oubliettes, vise à constituer un front national<br />
<strong>le</strong> plus large possib<strong>le</strong> autour d’un projet de société libéra<strong>le</strong>, séculariste et moderne, dans <strong>le</strong> but<br />
de marginaliser <strong>le</strong> mouvement islamiste Ennahdha. Accusé de s’opposer ouvertement au<br />
principe d’un Etat républicain en préconisant un Etat islamique, et à des lois tunisiennes<br />
comme <strong>le</strong> CSP, ce parti n’est pas reconnu, accusé d’enfreindre au Code des partis politiques,<br />
qui interdit la constitution de formations sur une base religieuse.<br />
"En l’espace de quelques mois, tous <strong>le</strong>s détenus politiques [y compris <strong>le</strong>s islamistes] ont été<br />
libérés et <strong>le</strong> paysage de l’information s’est métamorphosé. La radio et la télévision ont, dans<br />
une certaine mesure, abandonné la langue de bois, avec des informations sur la Ligue et, de<br />
temps à autre, des débats auxquels participaient des opposants notoires, jusque là absolument<br />
interdits d’antenne. Les kiosques à journaux se sont enrichis d’un bon nombre de nouveaux<br />
titres. En 1989, avec El-Badil pour <strong>le</strong> POCT [Parti Ouvrier Communiste Tunisien] et El- Fajr<br />
pour <strong>le</strong>s islamistes d’Ennahdha, tous <strong>le</strong>s courants d’opinion, de l’extrême gauche à l’extrême<br />
droite, avaient <strong>le</strong>urs journaux", se souvient Charfi, comme pour expliquer l’élan d’espoir<br />
suscité dans l’élite tunisienne par l’avènement de <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> à la magistrature suprême, et<br />
justifier par là-même sa collaboration étroite avec ce dernier, jusqu’en 1994.<br />
"D’ail<strong>le</strong>urs, explique encore Charfi, à la veil<strong>le</strong> de l’é<strong>le</strong>ction présidentiel<strong>le</strong> du 2 avril 1989,<br />
par-delà <strong>le</strong>s conditions restrictives des candidatures, aucun <strong>le</strong>ader politique n’a manifesté <strong>le</strong><br />
désir de se porter candidat. Comme s’il y avait eu un accord tacite, une sorte de consensus,<br />
pour offrir à <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> un mandat de Président élu à titre de reconnaissance pour service rendu<br />
à la patrie." Et d’ajouter cette petite phrase qui exprime l’amère désillusion que <strong>le</strong> nouveau<br />
régime allait inspirer quelques années plus tard: "Personne ne prévoyait que quelques années<br />
après tout allait changer."<br />
Il y avait pourtant des signes avant-coureurs d’un retour de manivel<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s représentants de<br />
la classe politique et intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>, bercés par <strong>le</strong>s douces promesses du régime ou aveuglés par<br />
<strong>le</strong>urs propres illusions, n’avaient pas saisi la gravité à temps. Charfi <strong>le</strong>s relève après coup:<br />
"Après l’adoption du Pacte [national], des mesures politiques sont prises qui me font douter<br />
du régime et me posent des cas de conscience: Hichem Djaït est interrogé par <strong>le</strong> juge<br />
d’instruction à propos d’un artic<strong>le</strong> qu’il avait fait paraître dans un hebdomadaire ; un<br />
huissier notaire saisit la maison de Mohamed Mzali en vue de sa vente pour l’application du<br />
jugement qui l’avait condamné, avant <strong>le</strong> changement du 7 novembre 1987, à une lourde<br />
amende en plus de la peine de prison ; enfin, et surtout, des é<strong>le</strong>ctions présidentiel<strong>le</strong>s et<br />
législatives anticipées sont annoncées pour bientôt, sans modification préalab<strong>le</strong> du mode de<br />
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