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Rentré en catastrophe, Tahar Belkhodja demande audience à Bourguiba. Il attendra jusqu’au<br />
30 décembre pour être reçu, pendant quarante minutes. Sur sa teneur, nous ne savions rien.<br />
Dans son livre édité en 2010, ‘‘Les Trois décennies Bourguiba’’, Tahar Belkhodja dévoi<strong>le</strong> à la<br />
page 149 l’objet de cet entretien.<br />
* * *<br />
Voilà donc <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> à la tête de l’un des services <strong>le</strong>s plus importants de l’Etat. Surpris par un<br />
fait inhabituel qui relève de l’acte révolutionnaire et autocratique plutôt que du banal<br />
remaniement ministériel et n’ayant pas été préparé à l’honneur qu’il reçoit, il balbutie<br />
quelques platitudes en guise de remerciements. Toutefois, il prendra sa nouvel<strong>le</strong> mission au<br />
sérieux et s’attel<strong>le</strong>ra avec cœur à sa tâche. Cette nouvel<strong>le</strong> chance sera sa première marche vers<br />
<strong>le</strong> pouvoir.<br />
* * *<br />
Pour Abdallah Farhat, <strong>le</strong>s choses tourneront autrement. Au <strong>le</strong>ndemain de l’acte tyrannique,<br />
soit <strong>le</strong> samedi 24 décembre 1977, l’ambassadeur d’un pays ami demande audience au<br />
président de la république. Immédiatement reçu, <strong>le</strong> diplomate attire l’attention du chef de<br />
l’Etat sur l’imprudence de placer l’armée et la police sous l’autorité d’une même personne. Le<br />
Combattant suprême n’a pas besoin d’explications. Il téléphone à Hédi Nouira, lui demande<br />
de mettre fin immédiatement à l’intérim de Abdallah Farhat et de procéder sans tarder à un<br />
remaniement ministériel dans <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s de l’art. Onze nouveaux ministres sont nommés. Le<br />
docteur Dhaoui Hannablia décroche <strong>le</strong> ministère de l’Intérieur. L’intérim de Abdallah Farhat<br />
n’aura duré que "l’espace d’un matin".<br />
Bourguiba s’était souvenu que, déjà en 1973, <strong>le</strong> même Abdallah Farhat, étant à l’époque en sa<br />
première expérience de ministre de la Défense Nationa<strong>le</strong>, avait essayé de mettre au point un<br />
plan qui lui permettrait de s’instal<strong>le</strong>r au palais présidentiel de Carthage en cas de vacance du<br />
pouvoir.<br />
En effet, hypothéquant l’avenir sur un décès subit de Bourguiba, vu son état de santé<br />
chancelant depuis novembre 1969, <strong>le</strong> Ouerdani (originaire du village de Ouerdanine, dans la<br />
région du Sahel) s’engagea dans un biais dangereux avec la complicité de l’un de ses attachés<br />
de cabinet, <strong>le</strong> sieur Rachid Karoui (décédé en septembre 2010) : prendre <strong>le</strong> pouvoir en<br />
s’assurant préalab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s services des officiers supérieurs de l’armée. Six officiers<br />
seu<strong>le</strong>ment adhérèrent au calcul simpliste et au projet fantasque de l’ancien petit commis des<br />
PTT pendant que <strong>le</strong>s autres officiers, plus nombreux et surtout conscients de <strong>le</strong>urs devoirs ont<br />
décliné <strong>le</strong> marché et fait savoir qu’ils préfèreraient la légalité républicaine.<br />
Or, <strong>le</strong> nom du colonel <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> figurait dans la petite liste des hommes liges de Abdallah<br />
Farhat. Cela Bourguiba ne l’a jamais su. Malheureusement pour lui. Hédi Nouira ne <strong>le</strong> savait<br />
pas non plus et ne l’a jamais su. Il en payera <strong>le</strong> prix.<br />
* * *<br />
En ce début de matinée du 23 décembre 1977, après avoir vu <strong>le</strong> président Bourguiba et obtenu<br />
son accord quant au remplacement du ministre de l’Intérieur, <strong>le</strong> Premier ministre, comme<br />
poussé par un malin génie, demande à Abdallah Farhat, après l’avoir mis dans la confidence,<br />
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