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capab<strong>le</strong> "réduire à la poussière" toute personne qui résisterait à ses volontés, menaces qu’il a<br />
proférée à maintes reprises, et pas seu<strong>le</strong>ment contre ses adversaires (en faisant <strong>le</strong> geste<br />
d’écraser quelque chose entre son pouce et son index), <strong>le</strong> président tunisien n’accepte aucune<br />
hésitation ni ne supporte la moindre discussion et encore moins la contradiction. Ses volontés,<br />
même <strong>le</strong>s plus injustes et <strong>le</strong>s plus bruta<strong>le</strong>ment aberrantes, sont exécutives.<br />
Aux modérés, qui peuvent avoir des scrupu<strong>le</strong>s, des états d’âmes ou simp<strong>le</strong>ment des sentiments<br />
humains, <strong>le</strong> général qui a fait sa carrière dans <strong>le</strong>s renseignements préfère <strong>le</strong>s aplatis, <strong>le</strong>s<br />
obséquieux, <strong>le</strong>s exécutant servi<strong>le</strong>s et zélés, fussent-ils menteurs, hypocrites et opportunistes.<br />
Car plus la soumission de ces derniers est intéressée et solub<strong>le</strong> dans l’argent, et plus ils sont<br />
sa<strong>le</strong>s et ont des choses à se reprocher, plus ils ont tendance à s’exécuter sans poser de<br />
question. Ces traits sont d’ail<strong>le</strong>urs –et <strong>le</strong>s <strong>le</strong>cteurs n’ont sans doute pas manqué de <strong>le</strong> re<strong>le</strong>ver–,<br />
ceux-là même que l’on retrouve, à quelques touches près, chez la plupart des proches du<br />
président, des membres de son gouvernement et des hauts cadres de sa république bananière.<br />
Le président tunisien a une autre raison pour détester <strong>le</strong>s modérés, au point d’ail<strong>le</strong>urs de <strong>le</strong>s<br />
pourchasser avec encore plus de férocité que <strong>le</strong>s extrémistes, s’il en reste encore quelques<br />
spécimens au pays des aplatis qu’est aujourd’hui la Tunisie. Les modérés acceptent de<br />
négocier, de faire des concessions, de recu<strong>le</strong>r sur certains points, même sur ceux qu’ils<br />
considèrent comme non négociab<strong>le</strong>s. Le problème, c’est qu’ils exigent, en contrepartie, de<br />
<strong>le</strong>urs interlocuteurs, des concessions similaires. Or, c’est ce dont <strong>le</strong> président <strong>Ben</strong> <strong>Ali</strong> a <strong>le</strong> plus<br />
horreur: faire des concessions, accepter de couper la poire en deux, donner autant qu’il<br />
prend… L’homme ne lâche jamais rien: il prend toujours, et toujours plus, grignotant<br />
centimètre par centimètre, méthodiquement, cyniquement, ce qui reste des libertés publiques<br />
dans un pays qu’il n’a pas fini de mettre à ses genoux.<br />
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