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demeure blanche <strong>en</strong> son c<strong>en</strong>tre, <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs ne se montr<strong>en</strong>t qu'à la limite du blanc et de l'ombre, à<br />
l’emplacem<strong>en</strong>t des traverses des f<strong>en</strong>êtres de la pièce. Ces observations incit<strong>en</strong>t Goethe à p<strong>en</strong>ser que la théorie<br />
de Newton est peut-être fausse, et que <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs ne sont pas cont<strong>en</strong>ues dans la seu<strong>le</strong> lumière blanche, mais<br />
que l’ombre et la lumière jou<strong>en</strong>t un rô<strong>le</strong> égal dans l’apparition des cou<strong>le</strong>urs. Fidè<strong>le</strong> à sa conception de<br />
l’équilibre et de la symétrie du monde, il fait ainsi l’hypothèse que <strong>le</strong>s mêmes lois doiv<strong>en</strong>t agir sur <strong>le</strong> noir et<br />
sur <strong>le</strong> blanc :<br />
«Puisque dans <strong>le</strong> premier cas la lumière se décomposait <strong>en</strong> cou<strong>le</strong>urs si diverses, je me dis que<br />
l’obscurité devait aussi être considérée comme décomposée <strong>en</strong> cou<strong>le</strong>urs. 50 »<br />
Au fil des différ<strong>en</strong>tes expéri<strong>en</strong>ces qu’il mènera, non seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t jusqu’<strong>en</strong> 1810, date de la publication de la<br />
Farb<strong>en</strong><strong>le</strong>hre, mais quasim<strong>en</strong>t jusqu’à la fin de ses jours, Goethe continuera à m<strong>en</strong>er ses propres expéri<strong>en</strong>ces,<br />
sinon à suivre avec att<strong>en</strong>tion cel<strong>le</strong>s que réaliseront <strong>le</strong>s hommes de sci<strong>en</strong>ces de son temps et il <strong>le</strong>s considèrera<br />
à chaque fois comme des confirmations de ses premières assertions quant aux natures intimes de la lumière<br />
et de la cou<strong>le</strong>ur.<br />
La grande hypothèse de Goethe est donc que <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs naiss<strong>en</strong>t de l'action combinée de la clarté et de<br />
l'ombre. Le prisme intervi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>, certes, mais son rô<strong>le</strong> ne consiste pas à dévoi<strong>le</strong>r une multiplicité<br />
préexistante au sein de la lumière blanche, mais à superposer partiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t ces deux élém<strong>en</strong>ts primordiaux<br />
pour <strong>en</strong> faire naître tout <strong>le</strong> spectre des cou<strong>le</strong>urs visib<strong>le</strong>s. Il s’agit bi<strong>en</strong> d’une naissance des cou<strong>le</strong>urs à partir de<br />
la lumière et de l’obscurité, et non d’une simp<strong>le</strong> extraction de la seu<strong>le</strong> lumière blanche. Ainsi, conformém<strong>en</strong>t<br />
à la démarche qu’il avait déjà mise <strong>en</strong> œuvre dans ses autres études naturalistes, il va chercher à lire l’origine<br />
des cou<strong>le</strong>urs directem<strong>en</strong>t dans la nature el<strong>le</strong>-même, et contrairem<strong>en</strong>t à Newton, <strong>en</strong> s’efforçant de ne pas<br />
« mettre à la torture la lumière » à l’aide de prisme et de bancs d’optique <strong>en</strong> laboratoire. Il espère ainsi<br />
trouver dans la nature un cas représ<strong>en</strong>tatif de l’apparition des cou<strong>le</strong>urs à partir des seu<strong>le</strong>s lumière et ombre.<br />
Goethe découvrit ce phénomène primordial de la lumière et de l’ombre dans <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs du so<strong>le</strong>il et du ciel.<br />
Par temps clair, la cou<strong>le</strong>ur du ciel au-dessus de nous est d’un b<strong>le</strong>u éclatant, dont <strong>le</strong> ton s’éclaircit au fur et à<br />
mesure que <strong>le</strong> regard s’abaisse vers l’horizon. Si par contre nous gravissons une montagne nous voyons ce<br />
b<strong>le</strong>u s’obscurcir progressivem<strong>en</strong>t jusqu’à dev<strong>en</strong>ir vio<strong>le</strong>t. Si nous pouvions al<strong>le</strong>r plus haut <strong>en</strong>core <strong>en</strong> haute<br />
atmosphère 51 , il continuerait à s’obscurcir jusqu’à dev<strong>en</strong>ir noir. Quand nous regardons <strong>le</strong> ciel, nous voyons<br />
de l’obscurité à travers l’atmosphère qui est illuminée par <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il. La teinte du b<strong>le</strong>u que nous voyons dép<strong>en</strong>d<br />
de l’épaisseur de l’atmosphère à travers laquel<strong>le</strong> nous regardons l’obscurité du cosmos. Plus l’atmosphère est<br />
épaisse plus nous avons un b<strong>le</strong>u de ton clair. Goethe suggère que l’atmosphère, qu’il nomme un « milieu<br />
50 Goethe, JW, Matériaux pour l’histoire de la théorie des cou<strong>le</strong>urs, p. 459<br />
51 Goethe ne disposait pas pour m<strong>en</strong>er ses observations des aéronefs modernes, mais ses hypothèses ne sont pas<br />
contradictoires avec <strong>le</strong>s mesures et observations rassemblées aujourd’hui.<br />
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