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manifeste cette connaissance sous formes de théories purem<strong>en</strong>t intelligib<strong>le</strong>s, tandis que l’art imprime ce<br />

savoir dans un objet perceptib<strong>le</strong> aux s<strong>en</strong>s. Dans la conception de Goethe, <strong>le</strong> beau est <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong> de<br />

l’Idée, et c’est la raison pour laquel<strong>le</strong> il désapprouvait que l’on parlât d’une idée du Beau 273 . L’art, dans sa<br />

plus haute manifestation, est symbolique et devi<strong>en</strong>t l’empreinte s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong> des ess<strong>en</strong>ces que l’Homme perçoit<br />

directem<strong>en</strong>t dans la nature.<br />

Nous avons pu constater la difficulté qu’il y a à t<strong>en</strong>ter de rattacher <strong>le</strong> poète à un mouvem<strong>en</strong>t philosophique<br />

particulier. Jean Lacoste voit <strong>en</strong> Goethe un conciliateur des philosophies de Spinoza et de Kant 274 : la <strong>le</strong>cture<br />

de Spinoza a alim<strong>en</strong>té sa critique de la sci<strong>en</strong>ce positive et l’a am<strong>en</strong>é à interpréter l’idéal spinoziste de la<br />

« sci<strong>en</strong>ce intuitive » comme une invitation à approfondir avec raison et rigueur l’étude de la nature. De Kant<br />

il adopte dans une certaine mesure la critique moderne de la connaissance, ainsi que l’intuition qu’il croit<br />

voir confirmée dans la partie téléologique de la Critique de la faculté de juger, de l’origine commune de l’art<br />

et de la nature. Je souhaiterais cep<strong>en</strong>dant nuancer <strong>le</strong> rapprochem<strong>en</strong>t avec Kant sur deux aspects qui me<br />

paraiss<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiels : d’une part, Goethe désapprouve fermem<strong>en</strong>t l’affirmation du philosophe de Königsberg<br />

selon laquel<strong>le</strong> ce qui se révè<strong>le</strong> à l’esprit, ce ne sont pas <strong>le</strong>s choses <strong>en</strong> el<strong>le</strong>s-mêmes, mais <strong>le</strong>urs appar<strong>en</strong>ces<br />

tel<strong>le</strong>s qu’el<strong>le</strong>s se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t. Bi<strong>en</strong> qu’il reconnaisse tout à fait <strong>le</strong>s défauts et la subjectivité<br />

inhér<strong>en</strong>te à notre mode de perception du monde, ainsi qu’il l’exprime dans son essai de 1792 sur La<br />

médiation de l’objet et du sujet dans la démarche expérim<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> 275 , Goethe demeure convaincu que l’ess<strong>en</strong>ce<br />

de la nature se donne tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> est au regard de l’observateur att<strong>en</strong>tif et pati<strong>en</strong>t qui sait se mettre <strong>en</strong><br />

communion avec el<strong>le</strong>. D’autre part, comme <strong>le</strong> souligne éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t Cassirer 276 , Goethe n’admettait pas non<br />

plus l’idée d’un <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t absolum<strong>en</strong>t souverain qui devrait am<strong>en</strong>er l’être humain à se cont<strong>en</strong>ter de la<br />

p<strong>en</strong>sée pure : il veut voir et appuyer ses convictions intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>s sur des formes intuitives.<br />

La postérité de la philosophie et de la sci<strong>en</strong>ce goethé<strong>en</strong>nes est étonnamm<strong>en</strong>t diverse. Outre la paternité<br />

reconnue de Goethe dans la découverte de l’os intermaxillaire chez l’Homme et la partie physiologique de la<br />

Farb<strong>en</strong><strong>le</strong>hre, nous avons mis <strong>en</strong> lumière que <strong>le</strong>s travaux naturalistes du poète avai<strong>en</strong>t contribué au<br />

développem<strong>en</strong>t de deux courants, <strong>le</strong> premier philosophique, <strong>le</strong> second artistique. En considérant, d’abord,<br />

que la perception s’<strong>en</strong>racine dans une expéri<strong>en</strong>ce vécue, dont la sci<strong>en</strong>ce ou l’art ne sont que <strong>le</strong>s expressions<br />

secondes, Goethe a participé à la remise <strong>en</strong> cause de la position intel<strong>le</strong>ctualiste, qui énonçait la perception<br />

comme un jugem<strong>en</strong>t excluant <strong>le</strong> rapport intersubjectif de notre corps avec <strong>le</strong> monde, et qui a abouti au XX ème<br />

sièc<strong>le</strong> à la formalisation de la méthode phénoménologique moderne. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>en</strong> manifestant dans sa<br />

273 « Dans <strong>le</strong> domaine de l’esthétique, on a tort de dire l’Idée du Beau ; car ce faisant, on iso<strong>le</strong> <strong>le</strong> Beau, alors qu’il ne<br />

peut être p<strong>en</strong>sé comme isolé. On peut avoir un concept du Beau, et ce concept peut être transmis » In Goethe, JW,<br />

Ecrits sur l’art, p. 311<br />

274 Lacoste, Jean, Goethe, Sci<strong>en</strong>ce et Philosophie, p. 220<br />

275 Goethe, JW, Traité des cou<strong>le</strong>urs, p296-304<br />

276 Cassirer, Ernst, Rousseau, Kant, Goethe, p. 127<br />

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