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2. De l’étude de la nature à la révélation artistique de l’ess<strong>en</strong>ce<br />

Dans la première partie, je me suis efforcé de re<strong>le</strong>ver, d’ordonner et de formaliser <strong>le</strong>s trois principaux<br />

concepts qui guid<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s réf<strong>le</strong>xions naturalistes de Goethe mais apparaiss<strong>en</strong>t de façon disparate dans ses<br />

différ<strong>en</strong>ts écrits sci<strong>en</strong>tifiques. Nous sommes à prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong> mesure de replacer ces concepts dans <strong>le</strong> con<strong>texte</strong><br />

plus large décrit par Pierre Hadot dans Le Voi<strong>le</strong> d’Isis – celui des débats sur <strong>le</strong> rapport <strong>en</strong>tre sci<strong>en</strong>ce et nature<br />

– pour fina<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t expliciter la philosophie de la connaissance du poète et la manière dont el<strong>le</strong> s’articu<strong>le</strong> avec<br />

ses convictions artistiques.<br />

Dans son essai, Pierre Hadot étudie la postérité occid<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> du célèbre aphorisme d’Héraclite : « La nature<br />

aime à se voi<strong>le</strong>r ». Il est am<strong>en</strong>é à distinguer deux approches antagonistes de la nature qu’il id<strong>en</strong>tifie comme<br />

« l’attitude prométhé<strong>en</strong>ne » et « l’attitude orphique ». Si la sci<strong>en</strong>ce prométhé<strong>en</strong>ne se donne pour mission de<br />

découvrir et d’utiliser <strong>le</strong>s secrets de la nature par <strong>le</strong> biais de techniques et technologies toujours plus<br />

efficaces, la sci<strong>en</strong>ce orphique choisit de révé<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s secrets de l’univers au moy<strong>en</strong> du discours, de la poésie,<br />

de la musique et plus généra<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t de l’art. Je vais faire mi<strong>en</strong>ne cette distinction et approfondir notre<br />

compréh<strong>en</strong>sion de la philosophie de la nature du poète de Weimar <strong>en</strong> la considérant dans la perspective<br />

historique et culturel<strong>le</strong> de l’approche orphique, dont Goethe est précisém<strong>en</strong>t l’un des plus évid<strong>en</strong>ts porteurs.<br />

2.1. Brève étude des origines de l’approche orphique du monde : <strong>le</strong>s stoïci<strong>en</strong>s, Paracelse,<br />

<strong>le</strong>s signatures et <strong>le</strong>s lois d’analogie<br />

C’est dans <strong>le</strong> Timée 117 , sous la forme du concept d’« Âme du Monde » que l’on trouve l’une des premières<br />

expositions de cette idée de l’Antiquité selon laquel<strong>le</strong> l’univers est une œuvre d’art, poème ou chant, création<br />

harmonieuse de l’imagination divine. Ce dieu se confond avec la Nature el<strong>le</strong>-même chez <strong>le</strong>s stoïci<strong>en</strong>s, et<br />

c’est sous <strong>le</strong>ur influ<strong>en</strong>ce que la connaissance du cosmos, bi<strong>en</strong> que sous-t<strong>en</strong>due par une réel<strong>le</strong> volonté<br />

d’objectivité sci<strong>en</strong>tifique, acquiert une dim<strong>en</strong>sion presque sacrée. Ainsi, dans la perspective de la physique<br />

stoïci<strong>en</strong>ne, la divinité se confond-el<strong>le</strong> avec la nécessité rationnel<strong>le</strong>, qui choisit <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur des mondes et <strong>le</strong><br />

répète perpétuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t selon la loi de l’éternel retour 118 : l’univers se développe dans une durée finie qui se<br />

reproduit perpétuel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t de manière id<strong>en</strong>tique, dans un mouvem<strong>en</strong>t de systo<strong>le</strong> et de diasto<strong>le</strong>, au cours<br />

duquel des phénomènes inédits peuv<strong>en</strong>t se manifester. Mais ces phénomènes <strong>en</strong> question ne sont nouveaux<br />

que dans <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s où ils n’existai<strong>en</strong>t précédemm<strong>en</strong>t qu’<strong>en</strong> puissance, sous la forme de « raisons sémina<strong>le</strong>s »<br />

qui portai<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> quelque sorte, un programme défini et rationnel de développem<strong>en</strong>t des règnes et des<br />

phénomènes. On ne peut que constater l’évid<strong>en</strong>te similitude <strong>en</strong>tre cette notion stoïci<strong>en</strong>ne et l’idée goethé<strong>en</strong>ne<br />

117 Hadot, Pierre, Le Voi<strong>le</strong> d’Isis, p. 166-169<br />

118 Ibid., p. 179. Ce concept sera promu à la postérité lorsque Nietzsche <strong>le</strong> repr<strong>en</strong>dra à son compte dans Ainsi parlait<br />

Zarathoustra (1885).<br />

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