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elisant certains de ses échanges avec Jacobi 58 . L’écrivain ti<strong>en</strong>t ainsi tout système qui voudrait s’<strong>en</strong>fermer<br />

dans une p<strong>en</strong>sée ou une spiritualité pure, déracinées du monde des perceptions, comme malsaines et sans<br />

consistance. Le monde idéel est, au s<strong>en</strong>s de l’id<strong>en</strong>tité, la puissance créatrice de la nature. Mais ce flux<br />

spirituel du dev<strong>en</strong>ir universel n’apparaît pas aux yeux de chair, sauf dans <strong>le</strong> groupe restreint des phénomènes<br />

primitifs, où <strong>le</strong>s idées apparaiss<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t lisib<strong>le</strong>s au regard exercé – <strong>en</strong> quelque sorte lui-même<br />

int<strong>en</strong>sifié – : l’int<strong>en</strong>sification y atteint sont but, l’idée devi<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t perceptib<strong>le</strong>, <strong>le</strong> génie de la<br />

nature se dévoi<strong>le</strong> à la surface des choses. C’est que Goethe veut probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t signifier lorsqu’il répond à<br />

Schil<strong>le</strong>r, lors de <strong>le</strong>ur premier <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> :<br />

« Il m’est très agréab<strong>le</strong> d’avoir des idées sans <strong>le</strong> savoir, <strong>en</strong> <strong>le</strong>s voyant même de mes yeux ! »<br />

Dans <strong>le</strong>s phénomènes grossièrem<strong>en</strong>t matériels, l’idée n’est accessib<strong>le</strong> qu’à la p<strong>en</strong>sée ; mais au sommet de<br />

l’int<strong>en</strong>sification, dans <strong>le</strong>s phénomènes primordiaux, l’œil la perçoit : <strong>le</strong> s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong> devi<strong>en</strong>t alors spirituel, et <strong>le</strong><br />

spirituel, s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>. Goethe conçoit la nature pénétrée tout <strong>en</strong>tière par l’esprit. Il semb<strong>le</strong> que dans sa<br />

conception, il y ait continuité <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s formes matériel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus brutes de la nature et <strong>le</strong>s manifestations <strong>le</strong>s<br />

plus subti<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s plus é<strong>le</strong>vées de l’esprit. Comme Leibniz, l’écrivain semb<strong>le</strong> t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> horreur l’idée de<br />

rupture. Les formes diffèr<strong>en</strong>t donc, certes, selon que l’esprit s’y manifeste plus ou moins clairem<strong>en</strong>t, mais il<br />

n’y a pas de matière non spirituel<strong>le</strong> morte. Le génie de la nature donne seu<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t aux choses des formes plus<br />

ou moins adéquates à l’ess<strong>en</strong>ce idéel<strong>le</strong> ; mais matière et esprit demeur<strong>en</strong>t indissociab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t liés dans tous <strong>le</strong>s<br />

règnes de la nature, à tous <strong>le</strong>s stades de l’évolution, des plus infimes grains de poussière à la lumière solaire<br />

la plus pure.<br />

« Lorsque <strong>le</strong>s idées disparaiss<strong>en</strong>t du monde, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s objets disparaiss<strong>en</strong>t aussi. Dans un s<strong>en</strong>s<br />

é<strong>le</strong>vé, on peut dire que l’Idée est l’objet. 59 »<br />

Ces phénomènes primitifs, bi<strong>en</strong> qu’ils mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce avec une clarté particulière la structure idéel<strong>le</strong><br />

d’un règne ou d’un organisme, sont donc d’une nature id<strong>en</strong>tique aux autres, c’est-à-dire que contrairem<strong>en</strong>t<br />

aux idées platonici<strong>en</strong>nes qui ne sont accessib<strong>le</strong>s que par la p<strong>en</strong>sée, <strong>le</strong>s phénomènes primitifs font partie du<br />

monde s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>. Ce sont des choses des objets, des réalités auxquels on accède par l’action combinée des<br />

s<strong>en</strong>s, de l’imagination et de l’intuition <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due comme une sorte de vision spirituel<strong>le</strong>, et non de<br />

l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t seul 60 . Mais ils ne se montr<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong>ur p<strong>le</strong>ine expression que fugitivem<strong>en</strong>t, après un long<br />

travail préalab<strong>le</strong> d’observation, d’analyse et de méditation sur un grand nombre de cas particuliers.<br />

58 Notamm<strong>en</strong>t sa <strong>le</strong>ttre à Jacobi du 5 mai 1786, citée <strong>en</strong> conclusion, in Goethe, JW, Correspondances 1765-1832, p. 91<br />

59 Goethe, JW, Maximes et réf<strong>le</strong>xions, p. 74<br />

60 C’est là l’un des aspects qui différ<strong>en</strong>cie la philosophie de la connaissance de Goethe de cel<strong>le</strong> de Kant. Nous aurons<br />

l’occasion, dans notre dernière partie, d’examiner <strong>le</strong>s différ<strong>en</strong>tes étapes de l’observation goethé<strong>en</strong>ne et de mettre <strong>en</strong><br />

lumière l’articulation qui se réalise <strong>en</strong>tre observation, imagination et intuition.<br />

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