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3.2.3. La méthode d’observation de Goethe à la lumière de la méthode phénoménologique<br />

Les travaux naturalistes <strong>le</strong>s plus aboutis de Goethe sont sans doute ses études sur la lumière rassemblées dans<br />

l’imposant Traité des cou<strong>le</strong>urs. Par un curieux paradoxe, ils ont été aussi <strong>le</strong>s moins reconnus dans <strong>le</strong> milieu<br />

de la sci<strong>en</strong>ce académique. Goethe explique par exemp<strong>le</strong> à Eckermann 249 <strong>le</strong> cas de l’un des admirateurs de sa<br />

théorie optique qui, voulant se faire un nom parmi <strong>le</strong>s physici<strong>en</strong>s, essayai<strong>en</strong>t de déf<strong>en</strong>dre <strong>le</strong>s idées du poète<br />

mais sans jamais citer son nom de peur d’être définitivem<strong>en</strong>t discrédité. On accorde bi<strong>en</strong> au poète la<br />

découverte de l’os intermaxillaire chez l’Homme du côté des anatomistes, et <strong>le</strong>s botanistes admett<strong>en</strong>t tout à<br />

fait l’intérêt de la démarche holistique que l’écrivain adopte dans la Métamorphose des plantes 250 . Mais <strong>le</strong>s<br />

études sur la cou<strong>le</strong>ur, n’ont guère été reconnues par <strong>le</strong>s physici<strong>en</strong>s, tous autant qu’ils étai<strong>en</strong>t attachés à la<br />

théorie newtoni<strong>en</strong>ne, et ont davantage trouvé <strong>le</strong>ur public chez <strong>le</strong>s artistes, ainsi que nous <strong>le</strong> verrons à la fin de<br />

ce travail. A titre d’explication partiel<strong>le</strong>, il faut rappe<strong>le</strong>r que la Farb<strong>en</strong><strong>le</strong>hre cont<strong>en</strong>ait une partie polémique<br />

dont l’objectif déclaré était de jeter à bas la « citadel<strong>le</strong> newtoni<strong>en</strong>ne ». Il s’agissait par-là même d’une attaque<br />

explicite contre la manière dont se développait la sci<strong>en</strong>ce, attaque qui a grandem<strong>en</strong>t contribué à<br />

décrédibiliser l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de l’ouvrage.<br />

<strong>Pour</strong>tant l’approche initiée par Goethe dans ce Traité prés<strong>en</strong>te d’étonnantes similitudes avec cel<strong>le</strong>s pratiquées<br />

aujourd’hui <strong>en</strong> physiologie et <strong>en</strong> psychologie de la perception. Considérant <strong>le</strong> phénomène comme une<br />

expéri<strong>en</strong>ce, la préoccupation perman<strong>en</strong>te du poète dans ses observations était de ne jamais abstraire<br />

l’observateur du con<strong>texte</strong>. Il essayait de montrer que ce dont l’observateur et l’expérim<strong>en</strong>tateur ont à se<br />

garder, ce sont <strong>le</strong>s qualités propres à l’esprit susceptib<strong>le</strong>s de nuire à la bonne perception du phénomène : on<br />

pourrait par<strong>le</strong>r d’ « obstac<strong>le</strong>s épistémologiques » pour repr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong>s termes de Gaston Bachelard. Et parmi<br />

ces obstac<strong>le</strong>s, il comptait celui de la t<strong>en</strong>dance à s’appuyer excessivem<strong>en</strong>t sur la théorie et l’abstraction<br />

intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>.<br />

Ainsi avant d’aborder l’étude des phénomènes objectifs qui font apparaître la cou<strong>le</strong>ur dans la nature, traitée<br />

dans <strong>le</strong>s chapitres « cou<strong>le</strong>urs physiques » et « cou<strong>le</strong>urs chimiques », Goethe ouvre la Farb<strong>en</strong><strong>le</strong>hre <strong>en</strong><br />

consacrant une partie importante de ses observations aux aspects physiologiques de la perception visuel<strong>le</strong>,<br />

non pas pour t<strong>en</strong>ter de compr<strong>en</strong>dre <strong>le</strong> fonctionnem<strong>en</strong>t de l’œil, mais simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t pour <strong>en</strong> observer <strong>le</strong><br />

comportem<strong>en</strong>t lorsqu’il se trouve soumis à différ<strong>en</strong>tes conditions de perception ou d’observation et pour <strong>en</strong><br />

iso<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s influ<strong>en</strong>ces subjectives. En analysant de manière détaillée l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de ces phénomènes<br />

habituel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t considérés comme simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t illusoires ou, à tort, pathologiques, il souhaite se placer dans<br />

<strong>le</strong>s conditions <strong>le</strong>s moins subjectives avant de se consacrer dans un second temps à l’étude des phénomènes<br />

purs de la cou<strong>le</strong>ur hors du corps. Le poète initie ainsi une réel<strong>le</strong> réf<strong>le</strong>xion sur l’observation, et la partie<br />

pr<strong>en</strong>ante de l’observateur dans l’acte de perception. Ce premier chapitre où il relate <strong>le</strong>s effets de<br />

249 Eckermann, Conversations de Goethe avec Eckermann, p. 449<br />

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