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4. Conclusion<br />

Si Goethe s’est efforcé tout au long de sa vie de concilier la rationalité sci<strong>en</strong>tifique, l’art, et la connaissance<br />

de la nature, jamais il n’a déf<strong>en</strong>du la métaphysique ou la mystique naïve de la Naturphilosophie romantique<br />

contre la rigueur et la rationalité de l’observation et de la sci<strong>en</strong>ce expérim<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> 270 . Le poète, tout comme<br />

Kant, refuse toute forme de dogmatisme métaphysique, ainsi qu’il l’énonce sans ambiguïté dans sa <strong>le</strong>ttre à<br />

Jacobi du 5 mai 1786 :<br />

« Que de bi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>viab<strong>le</strong>s ne possèdes-tu pas ? [ …] En revanche Dieu t’a puni <strong>en</strong> t’infligeant la<br />

Métaphysique et il t’a planté cette écharde dans la chair ; et moi il m’a béni avec la Physique, afin que la<br />

contemplation de ses œuvres me r<strong>en</strong>dit heureux, n’ayant pas voulu me comb<strong>le</strong>r d’autres bi<strong>en</strong>s. 271 »<br />

Dans <strong>le</strong> champ de la sci<strong>en</strong>ce, même s’il raisonne par analogie et s’oppose à la non moins naïve mouvance<br />

positiviste de ce début du XIX ème sièc<strong>le</strong>, Goethe cherche moins à bâtir une philosophie de la nature qu’à<br />

id<strong>en</strong>tifier <strong>le</strong>s lois propres de chaque domaine de la nature, <strong>en</strong> s’attachant à dépasser la démarche purem<strong>en</strong>t<br />

analytique pour proposer un mode d’appréh<strong>en</strong>sion du réel plus holistique, attaché à la perception s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong> des<br />

phénomènes dans <strong>le</strong>ur totalité et <strong>le</strong>ur ess<strong>en</strong>ce. Même s’il existe dans la Weltanschauung du poète une unité<br />

qui lie <strong>en</strong>tre el<strong>le</strong>s toutes <strong>le</strong>s forces créatrices de la nature cette unité ne se confond jamais avec une volonté<br />

d’uniformisation totalisante : c’était là, au contraire, <strong>le</strong> reproche majeur que Goethe lançait aux matérialistes<br />

et aux inconditionnels du « tout mécanique ».<br />

« Chaque exist<strong>en</strong>ce particulière est un analogon de tout ce qui existe ; voilà pourquoi l’exist<strong>en</strong>ce nous<br />

apparaît <strong>en</strong> même temps comme séparée et reliée. Si l’on suit de trop près cette analogie, tout devi<strong>en</strong>t<br />

id<strong>en</strong>tique ; si l’on s’<strong>en</strong> écarte, tout se disperse dans l’infini. Dans <strong>le</strong>s deux cas l’observation se retrouve au<br />

point mort : par excès de vie ou parce qu’el<strong>le</strong> est tuée 272 . »<br />

Le démarche de connaissance, selon Goethe, est fondée à la fois sur l’analyse, l’imagination et l’intuition, et<br />

vise au stade ultime à saisir <strong>le</strong>s phénomènes dans <strong>le</strong>ur idée, pour remonter autant que faire se peut jusqu’au<br />

phénomène primitif au-delà duquel, il n’y a plus ri<strong>en</strong> à compr<strong>en</strong>dre ou à expliquer. Chaque objet de la réalité<br />

ne lui prés<strong>en</strong>te alors que l’une des infinies possibilités qui demeur<strong>en</strong>t cachées dans <strong>le</strong> sein de la nature, et qui<br />

sont des émanations de quelques types primordiaux de phénomènes s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>s irréductib<strong>le</strong>s.<br />

Aux yeux du poète il n’existe pas de dichotomie <strong>en</strong>tre la sci<strong>en</strong>ce et l’art qui lui apparaiss<strong>en</strong>t comme deux<br />

voies complém<strong>en</strong>taires, deux modes par <strong>le</strong>squels l’Homme exprime ce que la nature lui dévoi<strong>le</strong> : la sci<strong>en</strong>ce<br />

270 La controverse avec Newton a cep<strong>en</strong>dant contribué à <strong>le</strong> faire id<strong>en</strong>tifier à la mouvance romantique.<br />

271 Lettre à Jacobi du 5 mai 1786, in Goethe, JW, Correspondances 1765-1832, p. 91<br />

272 Goethe, JW, Maximes et réf<strong>le</strong>xions, p. 118<br />

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