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« Deux âmes, hélas, se partag<strong>en</strong>t mon sein, et chacune d’el<strong>le</strong>s veut se séparer de l’autre : l’une,<br />
ard<strong>en</strong>te d’amour, s’attache au monde par <strong>le</strong> moy<strong>en</strong> des organes du corps ; un mouvem<strong>en</strong>t surnaturel <strong>en</strong>traîne<br />
l’autre loin des ténèbres, vers <strong>le</strong>s hautes demeures de nos aïeux ! 84 »<br />
Car c’est bi<strong>en</strong> par la médiation des extrêmes, <strong>le</strong> divin et l’infernal, <strong>le</strong> monde de l’esprit – celui des arts, des<br />
sci<strong>en</strong>ces et de la religion – et <strong>le</strong> monde matériel – celui de ses amours et de ses débauches –, dans l’épreuve<br />
de la t<strong>en</strong>tation perman<strong>en</strong>te que Faust finit par s’é<strong>le</strong>ver à la grâce et s’<strong>en</strong>vo<strong>le</strong>r vers l’Eternel Féminin 85 . C’est<br />
la raison pour laquel<strong>le</strong> Méphisto se prés<strong>en</strong>te précisém<strong>en</strong>t comme « une partie de cette force qui veut toujours<br />
<strong>le</strong> mal, et fait toujours <strong>le</strong> bi<strong>en</strong> 86 »,<br />
On peut <strong>en</strong>core re<strong>le</strong>ver dans <strong>le</strong> poème Talismans du recueil <strong>le</strong> Divan 87 :<br />
« Dans la respiration sont incluses deux grâces :<br />
Aspirer l’air, et s’<strong>en</strong> délivrer.<br />
L’une oppresse, l’autre soulage ;<br />
Tel est <strong>le</strong> merveil<strong>le</strong>ux mélange de la vie<br />
Remercie donc Dieu quand il te presse,<br />
Et remercie-<strong>le</strong> <strong>en</strong>core quand il te relâche à nouveau. »<br />
Mais cette perception de la polarité comme principe universel de vie et de développem<strong>en</strong>t loin de souligner<br />
une partition <strong>en</strong>tre des domaines inconciliab<strong>le</strong>s semb<strong>le</strong> au contraire r<strong>en</strong>voyer à un dédoub<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t et à un<br />
dialogue de la nature avec el<strong>le</strong>-même. Ainsi, dans l’introduction aux Propylées, Goethe souligne que la<br />
polarité dans la nature n’est <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> la manifestation d’un dualisme rédhibitoire, mais bi<strong>en</strong> plutôt la certitude<br />
d’une unité atteinte par une voie supérieure :<br />
« Jusqu’à prés<strong>en</strong>t <strong>le</strong> peintre ne pouvait que contemp<strong>le</strong>r avec étonnem<strong>en</strong>t la théorie des cou<strong>le</strong>urs du<br />
physici<strong>en</strong>, sans <strong>en</strong> retirer aucun avantage. Mais <strong>le</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t naturel de l’artiste, ainsi qu’un exercice continu et<br />
la nécessité pratique, lui indiquai<strong>en</strong>t sa propre voie. Il s<strong>en</strong>tait <strong>le</strong>s vifs contrastes, dont l’association fait naître<br />
l’harmonie des cou<strong>le</strong>urs, il désignait certaines caractéristiques de cel<strong>le</strong>s-ci par des s<strong>en</strong>sations qui s’<strong>en</strong><br />
rapproch<strong>en</strong>t. Ainsi il parlait de cou<strong>le</strong>urs chaudes et froides, de cou<strong>le</strong>urs exprimant la proximité ou<br />
l’éloignem<strong>en</strong>t, ou autres désignations de ce g<strong>en</strong>re, par <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s, il rapprochait à sa manière ces phénomènes<br />
des lois naturel<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus universel<strong>le</strong>s. Peut-être que la supposition s’avèrera juste, selon laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s effets<br />
naturels colorés, tout comme ceux de nature magnétique, é<strong>le</strong>ctrique et autres, repos<strong>en</strong>t sur une interaction, une<br />
84 Goethe, JW, Faust I, in Théâtre comp<strong>le</strong>t, p. 1154<br />
85 Faust incarnant quant à lui l’ess<strong>en</strong>ce expansive de la nature masculine.<br />
86 Goethe, JW, Faust I, in Théâtre comp<strong>le</strong>t, p. 1158<br />
87 Goethe, JW, Le Divan, p.32<br />
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