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l’exist<strong>en</strong>ce des choses – croyance sur <strong>le</strong>quel se fonde précisém<strong>en</strong>t la sci<strong>en</strong>ce expérim<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> -, à mettre <strong>en</strong>tre<br />

par<strong>en</strong>thèses <strong>le</strong> monde objectif et à écarter toute adhésion naïve à son égard, de manière à libérer l’accès au<br />

moi ultime, ce qu’Husserl nomme <strong>le</strong> Moi transc<strong>en</strong>dantal. Cette méthode permet de montrer que la consci<strong>en</strong>ce<br />

est toujours int<strong>en</strong>tionnalité - el<strong>le</strong> est toujours consci<strong>en</strong>ce de quelque chose et désigne d’emblée l’objet<br />

comme porteur de signification - et qu’inversem<strong>en</strong>t, il n’y a de phénomène que pour une consci<strong>en</strong>ce, de la<br />

même façon qu’un spectac<strong>le</strong> perd son s<strong>en</strong>s <strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce de spectateurs. C’est précisém<strong>en</strong>t la corrélation, la<br />

r<strong>en</strong>contre, <strong>en</strong>tre cette consci<strong>en</strong>ce et <strong>le</strong> monde qui fonde <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s du phénomène.<br />

Contrairem<strong>en</strong>t à la neurologie ou à la psychologie, par exemp<strong>le</strong>, qui t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t à faire de la consci<strong>en</strong>ce un objet<br />

de la nature explicab<strong>le</strong> grâce à des lois sci<strong>en</strong>tifiques, <strong>le</strong> phénoménologue reconduit l’esprit dans son statut de<br />

source des phénomènes : la consci<strong>en</strong>ce n’est pas un phénomène, mais précisém<strong>en</strong>t ce qui <strong>le</strong>ur donne<br />

naissance. Mer<strong>le</strong>au-Ponty développera <strong>le</strong>s considérations de Husserl dans La phénoménologie de la<br />

perception, où il critique notamm<strong>en</strong>t l’approche que la sci<strong>en</strong>ce adopte à l’égard du monde et de la perception,<br />

<strong>en</strong> tant qu’el<strong>le</strong> cherche à <strong>le</strong>ur imposer la netteté de ses catégories, au lieu de décrire l’expéri<strong>en</strong>ce tel<strong>le</strong> que<br />

nous la vivons avec toutes ses ambiguïtés. Sa critique de l’intel<strong>le</strong>ctualisme est proche de cel<strong>le</strong> de Bergson<br />

lorsque celui affirme qu’il faut privilégier la p<strong>en</strong>sée intuitive, seu<strong>le</strong> à même de r<strong>en</strong>dre compte du mouvant, de<br />

la prés<strong>en</strong>ce des choses au monde et de <strong>le</strong>ur durée. En conformité avec Goethe, la phénoménologie interdit<br />

donc qu’on p<strong>en</strong>se la perception et <strong>le</strong>s organes du corps sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> mécaniste ou fonctionnaliste de<br />

l’instrum<strong>en</strong>t ou de la matière inerte. Le corps devi<strong>en</strong>t <strong>le</strong> point de jonction <strong>en</strong>tre <strong>le</strong> s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong> et <strong>le</strong> psychique.<br />

Dans son essai Le visib<strong>le</strong> et l’invisib<strong>le</strong>, Mer<strong>le</strong>au-Ponty emploie des mots dont la par<strong>en</strong>té avec ceux du poète<br />

de Weimar est frappante<br />

« On touche ici au point <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong>, c’est-à-dire au li<strong>en</strong> de la chair et de l’idée, du visib<strong>le</strong> et de<br />

l’armature intérieure qu’il manifeste et qu’il cache. Personne n’a été plus loin que Proust dans la fixation des<br />

rapports du visib<strong>le</strong> et de l’invisib<strong>le</strong>, dans la description d’une idée qui n’est pas <strong>le</strong> contraire du s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>, qui <strong>en</strong><br />

est la doublure et la profondeur. […] La littérature, la musique, <strong>le</strong>s passions mais aussi l’expéri<strong>en</strong>ce du monde<br />

visib<strong>le</strong>, sont non moins que la sci<strong>en</strong>ce de Lavoisier et d’Ampère l’exploration d’un invisib<strong>le</strong> et, aussi bi<strong>en</strong><br />

qu’el<strong>le</strong>, dévoi<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t d’un univers d’idées. Simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t cet invisib<strong>le</strong>-là, ces idées-là, ne se laiss<strong>en</strong>t pas comme<br />

<strong>le</strong>s <strong>le</strong>ur détacher des appar<strong>en</strong>ces s<strong>en</strong>sib<strong>le</strong>s, et ériger <strong>en</strong> seconde positivité. […] L’idée est ce niveau, cette<br />

dim<strong>en</strong>sion, non pas dans un invisib<strong>le</strong> de fait, comme un objet caché derrière un autre, et non pas un invisib<strong>le</strong><br />

absolu qui n’aurait ri<strong>en</strong> à faire avec <strong>le</strong> visib<strong>le</strong>, mais l’invisib<strong>le</strong> de ce monde, celui qui l’habite, <strong>le</strong> souti<strong>en</strong>t, et <strong>le</strong><br />

r<strong>en</strong>d visib<strong>le</strong>, sa possibilité intérieure et propre, l’Être de cet étant. 244 »<br />

Sans contradiction, éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, avec la conception du poète qui semblait avoir l’intuition que la nature suscite<br />

<strong>en</strong> l’Homme un appétit de connaissance tout autant tourné vers l’extérieur que vers l'intérieur (ainsi qu’il <strong>en</strong><br />

244 Mer<strong>le</strong>au-Ponty, Maurice, Le visib<strong>le</strong> et l’invisib<strong>le</strong>, p193-196<br />

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