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progressivem<strong>en</strong>t abandonné aux sci<strong>en</strong>ces dites subjectives : à la philosophie, à la physiologie et à la<br />

psychologie. Les sci<strong>en</strong>ces mathématiques ont ainsi tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>oncé à déce<strong>le</strong>r <strong>le</strong> point où <strong>le</strong>s processus<br />

quantitatifs, mécaniques, chimiques et organiques, se transmu<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce que nous appelons <strong>le</strong>s qualités<br />

propres de la perception : <strong>le</strong>s s<strong>en</strong>sations de cha<strong>le</strong>ur, de lumière, de son, etc. Descartes <strong>en</strong> son temps t<strong>en</strong>tait de<br />

répondre à l’énigme <strong>en</strong> affirmant que ce point limite se trouvait précisém<strong>en</strong>t à la jonction de l’âme et du<br />

corps, au niveau de la glande pinéa<strong>le</strong>. Mais du fait de la désaffectation progressive des sci<strong>en</strong>ces dites<br />

« dures » des champs qui touchai<strong>en</strong>t justem<strong>en</strong>t à l’esprit, et surtout de <strong>le</strong>ur focalisation prométhé<strong>en</strong>ne sur <strong>le</strong>s<br />

objets à même de déboucher sur une meil<strong>le</strong>ure maîtrise de notre univers, cette question n’a plus été<br />

considérée comme prioritaire, reléguée au statut de questionnem<strong>en</strong>t métaphysique. La sci<strong>en</strong>ce mathématique<br />

ne vise ainsi pas à expliquer <strong>le</strong> monde ; el<strong>le</strong> ne cherche à déce<strong>le</strong>r aucun s<strong>en</strong>s dans <strong>le</strong>s phénomènes naturels et<br />

ne s’interroge nul<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t sur <strong>le</strong>s rapports de l’Homme à l’univers.<br />

Je souhaiterais cité ici un extrait de l’artic<strong>le</strong> Galilée et Platon d’A<strong>le</strong>xandre Koyré :<br />

« La dissolution du Cosmos signifie la destruction d’une idée : cel<strong>le</strong> d’un monde de structure finie,<br />

hiérarchiquem<strong>en</strong>t ordonné, d’un monde qualitativem<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>cié du point de vue ontologique ; el<strong>le</strong> est<br />

remplacée par cel<strong>le</strong> d’un univers ouvert, indéfini, et même infini, qu’unifi<strong>en</strong>t et gouvern<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s mêmes lois<br />

universel<strong>le</strong>s […] Cela implique que disparaiss<strong>en</strong>t de la perspective sci<strong>en</strong>tifique toutes considérations fondées<br />

sur la va<strong>le</strong>ur, la perfection, l’harmonie, la signification et <strong>le</strong> dessein. […] La dissolution du cosmos, je <strong>le</strong><br />

répète, voilà me semb<strong>le</strong>-t-il la révolution la plus profonde accomplie ou subie par l’esprit humain depuis<br />

l’inv<strong>en</strong>tion du Cosmos par <strong>le</strong>s Grecs. C’est une révolution si profonde, aux conséqu<strong>en</strong>ces si lointaines, que<br />

p<strong>en</strong>dant des sièc<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s hommes – à de rares exceptions, dont Pascal – n’<strong>en</strong> ont pas saisi la portée et <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s ;<br />

maint<strong>en</strong>ant <strong>en</strong>core el<strong>le</strong> est souv<strong>en</strong>t sous-estimée et mal comprise 234 . »<br />

La dissolution du s<strong>en</strong>s consécutive de la destruction de l’idée d’un cosmos unifié est bi<strong>en</strong> la conséqu<strong>en</strong>ce la<br />

plus ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong> de la révolution <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drée par l’explosion de la méthode réductionniste et matérialiste des<br />

mathématiques. Teilhard de Chardin, qui faisait preuve, au passage, d’une étonnante clairvoyance quant au<br />

développem<strong>en</strong>t à v<strong>en</strong>ir des réseaux de données (il est décédé <strong>en</strong> 1955), décelait dans la diffusion des moy<strong>en</strong>s<br />

d’interaction et de communication, <strong>le</strong>s prémisses de la réalisation d’une « noosphère » 235 , d’une formidab<strong>le</strong><br />

« machine à p<strong>en</strong>ser » qui inclurait toutes <strong>le</strong>s âmes « <strong>en</strong> un réseau serré de liaisons planétaires », et scel<strong>le</strong>rait<br />

ainsi l’avènem<strong>en</strong>t d’un nouvel âge spirituel. Mais rares sont ceux qui partag<strong>en</strong>t aujourd’hui une vision aussi<br />

utopiste : car force est de constater, qu’avec deux guerres mondia<strong>le</strong>s, et un nombre impressionnant de<br />

génocides de toutes sortes, <strong>le</strong> XX ème sièc<strong>le</strong>, celui par excel<strong>le</strong>nce de la sci<strong>en</strong>ce et de la réalisation de tous <strong>le</strong>s<br />

possib<strong>le</strong>s, aura aussi compté parmi <strong>le</strong>s plus sauvages et destructeurs, et ce infinim<strong>en</strong>t plus sur <strong>le</strong> plan moral<br />

que matériel. Est-ce un hasard <strong>en</strong> effet s’il fut <strong>le</strong> sièc<strong>le</strong> de toutes <strong>le</strong>s p<strong>en</strong>sées de la déconstruction : marxisme,<br />

233 En 1543.<br />

234 Koyré, A<strong>le</strong>xandre, Etudes d’histoire de la p<strong>en</strong>sée sci<strong>en</strong>tifique, p.170-171<br />

235 Quéau, Philippe, La planète des esprits, p.316<br />

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