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fait part dans son artic<strong>le</strong> La médiation de l’objet et du sujet 245 <strong>en</strong> 1823), l’attitude<br />

phénoménologique développée par Mer<strong>le</strong>au-Ponty énonce que <strong>le</strong> sujet ne se révè<strong>le</strong> que par l’objet dans<br />

<strong>le</strong>quel il s’<strong>en</strong>gage. C’est dans l’expéri<strong>en</strong>ce perceptive, <strong>en</strong> quelque sorte dans <strong>le</strong> miroir du monde, que la<br />

consci<strong>en</strong>ce réalise « son être propre » :<br />

« La consci<strong>en</strong>ce est éloignée de l’être et de son être propre, et <strong>en</strong> même temps unie à eux, par<br />

l’épaisseur du monde. Le véritab<strong>le</strong> cogito n’est pas <strong>le</strong> tête-à-tête de la p<strong>en</strong>sée avec la p<strong>en</strong>sée de cette p<strong>en</strong>sée :<br />

el<strong>le</strong>s ne se rejoign<strong>en</strong>t qu’à travers <strong>le</strong> monde. La consci<strong>en</strong>ce du monde n’est pas fondée sur la consci<strong>en</strong>ce de soi,<br />

mais el<strong>le</strong>s sont rigoureusem<strong>en</strong>t contemporaines : il y a pour moi un monde parce que je ne m’ignore pas ; je<br />

suis non dissimulé à moi-même parce que j’ai un monde 246 . »<br />

L’expéri<strong>en</strong>ce phénoménologique doit ainsi être saisie avant toute contamination utilitaire ou conceptuel<strong>le</strong>,<br />

sans aucune projection de désir ou d’intérêt, <strong>en</strong> somme comme si on voyait <strong>le</strong> monde pour la première et<br />

dernière fois 247 . Or qu’est-ce que la plus pure expéri<strong>en</strong>ce phénoménologique, el<strong>le</strong> qui doit nous replacer au<br />

milieu des choses <strong>en</strong> déniant à ces dernières toute signification égoïste ou fonctionnel<strong>le</strong>, sinon <strong>le</strong> regard<br />

esthétique d’où procède l’émerveil<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t face au pur jeu de formes et de cou<strong>le</strong>urs de la création ? Bergson<br />

ne disait pas autre chose lorsqu’il soulignait que savoir contemp<strong>le</strong>r l’univers avec des yeux d’artiste, dans<br />

une totalité qui intègre <strong>le</strong> sujet et l’objet, donne accès à un mode de connaissance plus direct que celui généré<br />

par l'analyse et la séparation purem<strong>en</strong>t intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong> :<br />

« On <strong>en</strong> dirait autant de la perception. Auxiliaire de l’action, el<strong>le</strong> iso<strong>le</strong> dans l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> de la réalité, ce<br />

qui nous intéresse ; el<strong>le</strong> nous montre moins <strong>le</strong>s choses mêmes que <strong>le</strong> parti que nous <strong>en</strong> pouvons tirer par avance<br />

el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s classe, par avance el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s étiquette ; nous regardons à peine l’objet, il nous suffit de savoir à quel<strong>le</strong><br />

catégorie il apparti<strong>en</strong>t. Mais, de loin <strong>en</strong> loin, par un accid<strong>en</strong>t heureux, des hommes surgiss<strong>en</strong>t dont <strong>le</strong>s s<strong>en</strong>s ou<br />

la consci<strong>en</strong>ce sont moins adhér<strong>en</strong>ts à la vie. La nature a oublié d’attacher <strong>le</strong>ur faculté de percevoir à <strong>le</strong>ur faculté<br />

d’agir. Quand ils regard<strong>en</strong>t une chose, ils la voi<strong>en</strong>t pour el<strong>le</strong> et non plus pour eux. Ils ne perçoiv<strong>en</strong>t plus<br />

simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vue d’agir ; ils perçoiv<strong>en</strong>t pour percevoir, pour ri<strong>en</strong>, pour <strong>le</strong> plaisir. Par un certain côté d’eux-<br />

mêmes, soit par <strong>le</strong>ur consci<strong>en</strong>ce, soit par un de <strong>le</strong>urs s<strong>en</strong>s, ils naiss<strong>en</strong>t détachés ; et selon que ce détachem<strong>en</strong>t<br />

est celui de tel ou tel s<strong>en</strong>s, ou de la consci<strong>en</strong>ce, ils sont peintres ou sculpteurs, musici<strong>en</strong>s ou poètes. C’est donc<br />

bi<strong>en</strong> une vision plus directe de la réalité que nous trouvons dans <strong>le</strong>s différ<strong>en</strong>ts arts ; et c’est parce que l’artiste<br />

songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses 248 . »<br />

245 Goethe, JW, Traité des cou<strong>le</strong>urs, p. 297-304<br />

246 Mer<strong>le</strong>au-Ponty, Maurice, Phénoménologie de la perception, p. 344<br />

247 A l’image de ce que préconisai<strong>en</strong>t déjà Lucrèce et Sénèque.<br />

248 Bergson, H<strong>en</strong>ri, La p<strong>en</strong>sée et <strong>le</strong> mouvant, In Œuvres, p. 1373<br />

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