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lumière à son tour limite l’action de l'ombre. Leurs influ<strong>en</strong>ces se mê<strong>le</strong>nt pour donner naissance à la cou<strong>le</strong>ur,<br />

qui est autant la part d’ombre de la lumière, que la part lumineuse de des ténèbres.<br />

La polarité ne s’exprime pas simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t au niveau des cou<strong>le</strong>urs « objectives » de la nature, c’est-à-dire à<br />

l’extérieur de l’organisme : el<strong>le</strong> est éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t inhér<strong>en</strong>te à l’acte même de perception physiologique. En effet,<br />

pour Goethe, l’œil ne demeure pas simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t réceptif <strong>en</strong> face des phénomènes, mais participe p<strong>le</strong>inem<strong>en</strong>t à<br />

la r<strong>en</strong>contre de la lumière et de l’œil, dans <strong>le</strong> cadre d’une action réciproque de l'un sur l'autre. Dans son<br />

aspiration à connaître <strong>le</strong> mode de cette action réciproque, <strong>le</strong> poète considère l'œil comme doué d’une vie<br />

autonome dont il veut saisir <strong>le</strong>s manifestations face au phénomène isolé ou devant <strong>le</strong>s conjonctions et<br />

successions de phénomènes. Comm<strong>en</strong>t, par exemp<strong>le</strong>, l'œil ress<strong>en</strong>t-il des oppositions tel<strong>le</strong>s que lumière et<br />

ombre, jaune et b<strong>le</strong>u ? La compréh<strong>en</strong>sion de ces rapports mutuels de perception doit, dans la p<strong>en</strong>sée du<br />

poète, résulter de la nature même de l'œil, car :<br />

«L'œil doit son exist<strong>en</strong>ce à la lumière. A partir d’organes d’animaux secondaires et indiffér<strong>en</strong>ts, la<br />

lumière produit pour el<strong>le</strong> un organe qui devi<strong>en</strong>t son semblab<strong>le</strong>, et ainsi l’œil se forme par la lumière et pour la<br />

lumière, afin que la lumière intérieure vi<strong>en</strong>ne répondre à la lumière extérieure. 81 »<br />

Les deux états de l'œil induits par la lumière et par l’ombre s’oppos<strong>en</strong>t de la même manière que ces deux<br />

phénomènes dans la nature. L'œil ouvert dans l'obscurité éprouve une certaine s<strong>en</strong>sation de manque ; alors<br />

que s’il se tourne au contraire vers une source fortem<strong>en</strong>t lumineuse, il sera sous l’effet d’une saturation,<br />

incapab<strong>le</strong> de distinguer des objets faib<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t éclairés p<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s secondes ou <strong>le</strong>s minutes qui suiv<strong>en</strong>t la forte<br />

exposition. L'ombre augm<strong>en</strong>te la s<strong>en</strong>sibilité tandis que la clarté l'affaiblit. Cette loi induit une persistance<br />

visuel<strong>le</strong> des impressions au sein même de l’œil 82 , et par-là même une in<strong>version</strong> : dans <strong>le</strong> cas où nous fixons,<br />

par exemp<strong>le</strong>, une croix noire sur fond clair, l'image reste un mom<strong>en</strong>t imprimée sur la rétine, une fois <strong>le</strong>s yeux<br />

fermés. Si nous tournons notre regard, alors que l'impression dure <strong>en</strong>core, vers une surface d’un gris clair<br />

uniforme, la croix réapparaît mais <strong>en</strong> clair sur fond sombre. Tout se dérou<strong>le</strong> ainsi comme si tel<strong>le</strong> impression<br />

reçue par l'œil disposait celui-ci à <strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer de lui-même l’impression contraire.<br />

« Nous croyons trouver ici un nouvel exemp<strong>le</strong> de la vive mobilité de la rétine, et de l’antagonisme<br />

tranquil<strong>le</strong> que tout organisme vivant est contraint de manifester lorsqu’on <strong>le</strong> place dans une situation<br />

déterminée : l’inspiration appel<strong>le</strong> l’expiration, et toute systo<strong>le</strong> une diasto<strong>le</strong>. C’est la formu<strong>le</strong> éternel<strong>le</strong> de la vie<br />

qui se manifeste ici aussi. Aussitôt qu’à l’œil on prés<strong>en</strong>te l’obscur, il demande <strong>le</strong> clair, exprimant ainsi qu’il est<br />

vivant et justifié à saisir l’objet, puisque produisant lui-même un état opposé à celui de l’objet. 83 »<br />

81 Goethe, JW, Traité des cou<strong>le</strong>urs, p. 88<br />

82 Phénomène que l’on nomme précisém<strong>en</strong>t aujourd’hui « persistance rétini<strong>en</strong>ne ».<br />

83 Goethe, JW, Traité des cou<strong>le</strong>urs, p. 105<br />

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