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Numéro 66 - Café pédagogique

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FJ- Il y a quelques mois un enseignant anglais a fait les titres des journaux parce qu'il avait<br />

traité un élève de "gros lard". Ca a fait un scandale énorme et il a été sanctionné. Comment<br />

expliquer en France le manque d'intérêt pour ces questions ?<br />

Depuis la publication de l'ouvrage, j'ai reçu un certain nombre de lettres de professeurs<br />

indignés par les propos que j'avais tenus sur Europe 1 ou France Inter. À les croire, seuls les<br />

professeurs sont humiliés en classe. Ils ont tout à fait raison d'indiquer l'existence de<br />

professeurs humiliés par leurs élèves. Ils ont tout à fait tort de penser que l’humiliation des<br />

élèves est une invention de jeunes trop susceptibles. Il s'agit d'une vision unilatérale. Il existe<br />

chez eux un refus de savoir. Pire, une dénégation de la réalité.<br />

Cependant, la presse et la radio ont largement rendu compte de l'ouvrage. La question<br />

intéresse. Pour un livre de sciences humaines, il se vend bien. Il existe donc un refus de<br />

connaître d'un côté, un désir de savoir de l'autre. Désir tout à fait légitime : l'humiliation des<br />

élèves, pourtant massive, n'a jamais été étudiée. Le résultat de l'enquête peut, je crois, être<br />

utile aux élèves, aux parents et aux professeurs, et favoriser un changement nécessaire.<br />

FJ- Prenons quelques exemples. Il y a eu la "querelle du zéro" qui a mobilisé des enseignants<br />

: une circulaire qui appelait à distinguer problèmes de conduite et évaluation du niveau a été<br />

souvent comprise de travers et finalement très critiquée. Il y a eu l'affaire du journal lycéen<br />

Ravaillac du prestigieux lycée parisien Henri IV dont les rédacteurs ont subi les foudres du<br />

proviseur. Comment analysez-vous ces événements ?<br />

La « querelle du zéro » est particulièrement instructive. Sans doute la circulaire ministérielle<br />

de juillet 2000 manquait de clarté. Une interprétation rapide laissait supposer que le zéro était<br />

totalement proscrit. Ce qui est faux. En fait, le tumulte suscité par la circulaire provenait<br />

d’une limitation de l'usage des notes qui doivent être réservées exclusivement à l'évaluation<br />

des compétences des élèves. Or, certains professeurs sanctionnent les mauvaises conduites des<br />

élèves en baissant les notes obtenues lors des contrôles. La sanction est peut-être efficace. Elle<br />

n’en reste pas moins non réglementaire.<br />

Dans trop de règlements intérieurs, cette limitation de l'usage de la notation à la seule<br />

évaluation des compétences n'est pas mentionnée. Il existe un refus d'un certain nombre de<br />

professeurs de respecter la réglementation. Il existe une volonté de préserver la possibilité<br />

d'une sanction arbitraire.<br />

Les limitations du droit de la presse relèvent du même mécanisme : une mauvaise<br />

connaissance des règles de droit et une application arbitraire. Les rares études menées sur la<br />

liberté de la presse et les témoignages que j'ai recueillis montrent des lycéens souvent<br />

désabusés par les contrôles tatillons de leurs droits d'expression.<br />

FJ- Comment expliquer que l'humiliation reste aussi fréquente dans le système éducatif<br />

français ?<br />

Dans l'école d'aujourd'hui, les contre-pouvoirs sont insuffisants. Les élèves ont souvent peur<br />

de s'exprimer, peur de représailles, peur d'être ultérieurement « saqués ». Et les parents<br />

d'élèves sont parfois dans la même situation. Ils craignent que leurs enfants soient « pris en<br />

grippe » par les professeurs. Cette peur de prendre la parole favorise les pratiques

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