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Numéro 66 - Café pédagogique

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d'humiliation des professeurs.<br />

Une seconde raison tient au fait que le sens des études a changé. En France, plus que dans<br />

certains pays, le diplôme est essentiel pour l'intégration professionnelle. À juste titre, le<br />

discours officiel de l'école est de persuader les élèves que le diplôme est indispensable pour<br />

réussir dans la vie et, en même temps, il est souvent dit aux élèves qu'ils n'ont pas le niveau,<br />

qu'ils sont faibles. Les élèves deviennent plus sensibles aux évaluations scolaires<br />

dépréciatives (« c’est mauvais », « c'est minable »…) lorsque l'enjeu de la réussite scolaire<br />

devient plus important.<br />

En 1950, lorsqu’un fils d’agriculteur savait qu'il pouvait reprendre l’exploitation de son père,<br />

il était peu sensible aux propos décourageants de son maître. Sa vie ne passait pas par l'école.<br />

Aujourd'hui, la situation est toute différente. Des propos presque anodins d'un professeur font<br />

l'objet d'un certain nombre de traductions par l'élève qui expliquent le sentiment d'humiliation.<br />

Le jugement scolaire « « c'est nul » est vite traduit par « je suis mauvais », « je n’y arriverai<br />

pas », « je n'ai pas d'avenir ». Certaines humiliations vont d'ailleurs dans ce sens : « tu n'es<br />

bon qu'à vendre des frites au bord de la route ». À juste titre, la dévalorisation scolaire est vite<br />

perçue par les élèves comme une disqualification sociale. Pour cette raison, les pratiques<br />

d'humiliation peuvent rester constantes et les sentiments d'humiliation des élèves augmenter.<br />

FJ- Plus généralement on sent une grande frilosité de l'Ecole devant le droit. Comment<br />

l'expliquez-vous ?<br />

Une partie de mon ouvrage est consacrée aux règlements intérieurs des établissements<br />

scolaires. Beaucoup d'entre eux font une présentation partielle, voire partiale, des droits des<br />

élèves. La frilosité de l'école face aux droits des élèves résulte parfois de l'ignorance juridique<br />

des professeurs, voire même des chefs d'établissement.<br />

Mais plus fondamentalement, il existe une peur d'être dépassé par des élèves qui auraient une<br />

meilleure connaissance de leurs droits. Cette crainte est compréhensible. Elle n'est pas<br />

justifiée. Bien au contraire, les établissements scolaires sont gagnants lorsque les droits des<br />

élèves sont mieux connus. Le sentiment d'être écouté favorise le respect. En revanche, les<br />

sanctions arbitraires, la limitation du droit d'expression individuel et collectif favorisent la<br />

révolte, les sentiments d'injustice, le chahut.<br />

FJ- Depuis Luc Ferry, le discours ministériel est au retour de l'autorité avec par exemple<br />

l'apologie des punitions collectives. On voit se construire une nouvelle pensée éducative de<br />

droite qui affirme l'efficacité des formes les plus traditionnelles de l'éducation et des vieilles<br />

recettes et l'unique responsabilité des élèves dans leur échec. On sent, à travers des séries<br />

télévisées et des films, que l'opinion est partagée entre une certaine nostalgie pour l'école<br />

autoritaire et la volonté de faire réussir tous les enfants. Dans cette atmosphère, ne risquezvous<br />

pas de passer pour un promoteur du désordre scolaire ? Un utopiste de la démocratie<br />

scolaire ? Avez vous une chance d'être entendu ?<br />

Luc Ferry n'est pas resté bien longtemps ministre de l'éducation Nationale. Son successeur n'a<br />

pas résisté aux grèves des élèves. Leurs conceptions traditionnelles de la relation éducative et<br />

de l'école ne leur ont donc pas réussi. Beaucoup d'élèves aspirent à une école où la parole<br />

serait plus libre. Beaucoup de professeurs parviennent aussi à une vraie qualité d'écoute de

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