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Juin 2005

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Mais ils ne sont pas les seuls à travailler sous le sceau de l'instabilité. Les salarié(e)s àtemps partiel font aussi partie du paysage de la dérégulation du marché du travail. Rarementinscrit dans le tableau de l'instabilité de l'emploi, le temps partiel est pourtant au coeur duproblème. C'est là, parmi les salarié(e)s qui travaillent douze, quinze, ou vingt-cinq heures parsemaine, que se trouvent l'essentiel des personnes en sous-emploi, c'est-à-dire ceux et cellesqui travaillent moins que ce qu'ils souhaiteraient. Les discussions sur les 35 heures ontcomplètement balayé le problème: à se focaliser sur tous ceux qui aspirent à travailler moins(qui sont effectivement nombreux), on oublie ceux et celles qui veulent travailler plus maisn'y parviennent pas. Ceux et celles qui ont besoin d'un plein salaire, mais ne trouvent qu'unemploi partiel.Les débats sur cette question sont un concentré de mauvaise foi. En l'identifiant à du« temps choisi », en le présentant comme un art de vivre qui permet la « conciliation entre viefamiliale et vie professionnelle ii, on gomme le problème du sous-emploi, on efface laquestion des bas salaires. Et on l'assigne aux femmes.En France, comme partout en Europe, le travail à temps partiel est leur apanage. Ellesreprésentent plus de 80 % des personnes concernées. Mais, à la différence de nombre de nosvoisins européens, il n'est apparu que récemment dans notre pays. Son essor date, trèsprécisément, du début des années 1980 : de près de 1,5 million d'actifs travaillant à tempspartiel en 1980, on est passé à un peu moins de 4 millions. Autant dire que le travail à tempspartiel ne constitue pas, en France, une composante de l'essor de l'activité féminine. Car c'està temps plein que les femmes ont afflué sur le marché du travail depuis le début des années1960.Cela constitue une des caractéristiques fortes de ce que l'on pourrait appeler lacroissance de l'activité féminine « à la française». Le travail à temps partiel a fait irruption ily a une vingtaine d'années, à la faveur de la crise de l'emploi et sous l'impulsion de politiquesfortement incitatives: aides financières aux employeurs pour la création d'emplois à tempspartiel, abattements de cotisations sociales, etc.Bien entendu, ce phénomène recouvre des réalités sociales extrêmement diversifiées.Pour certaines femmes, il s'agit d'une décision individuelle de réduction du temps de travail.Pour d'autres, de plus en plus nombreuses, il s'agit d'une tout autre logique. Depuis vingt ans,en effet, le travail à temps partiel s'est développé dans certains secteurs (le commerce,l'hôtellerie, la restauration, les services aux particuliers et aux entreprises) et chez unecatégorie professionnelle particulière: plus de la moitié des femmes concernées sont desemployées. Caissières, vendeuses, femmes de ménage ... la plupart n'ont pas choisi d'occuperun poste à temps partiel. Elles ont préféré avoir un emploi de quelques heures plutôt qued'être au chômage. Beaucoup d'entre elles travaillent pour un salaire bien inférieur au smicmensuel et avec des horaires extrêmement éclatés et décalés.Il est donc grand temps de tordre le cou à l'idée de « choix », Temps choisi, temps subi:en dépit des apparences, la question n'est pas pertinente. Que signifie « choisir» quand lespressions sont tellement fortes qu'il n'y a pas d'autres solutions? Quand les emplois proposésne sont jamais à temps plein? Quand les contraintes de la vie familiale deviennent tropcomplexes? Les pressions ne sont pas uniquement d'ordre économique ou domestique. Ellessont également - et fortement - idéologiques: le travail à temps partiel a été construit de toutespièces comme la forme d'emploi idéale pour les femmes.La question n'est donc pas tant de savoir si le travail à temps partiel a été choisi un peu,beaucoup, passionnément ou pas du tout, mais d'en voir les conséquences. Au fil des ans, ilest devenu la figure emblématique de la division sexuelle du marché du travail. Il est, dans lemême mouvement, devenu le moteur de la pauvreté laborieuse. Car qui dit travail à tempspartiel dit, c'est évident, salaires partiels. Le sujet est pourtant longtemps resté tabou enFrance. Comme si les working poors étaient une exclusivité américaine.Documents non autorisésCalculatrice non autorisée

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