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Olivier Twist I<br />
Chapitre XVIII<br />
Celui-ci était trop enchanté de se rendre utile, trop heureux aussi de<br />
voir des visages humains quelque désagréables qu’ils fussent, et trop désireux<br />
de se concilier l’affection de ceux qui l’entouraient, quand il pouvait<br />
le faire honnêtement, pour hésiter un instant à se plier à la volonté du<br />
Matois ; celui-ci s’assit sur la table, et Olivier, meant un genou en terre,<br />
se mit à cirer les boes de M. Dawkins, ce que ce dernier appelait se faire<br />
vernir les troeuses.<br />
Soit que le Matois éprouvât ce sentiment de liberté et d’indépendance<br />
que ressent tout animal raisonnable, quand il est assis nonchalamment<br />
sur une table, fumant sa pipe, balançant mollement une jambe, tout en<br />
faisant cirer ses boes qu’il n’a pas eu la peine d’ôter et qu’il n’aura pas<br />
l’ennui de remere ; soit que la bonté du tabac éveillât sa sensibilité, ou,<br />
que la bonne qualité de la bière influât sur son humeur, il s’abandonna à<br />
un élan d’enthousiasme qui contrastait singulièrement avec son caractère<br />
habituel ; d’un air pensif il abaissa ses regards sur Olivier, puis, levant la<br />
tête, il dit avec un soupir, moitié à part et moitié à maître Bates :<br />
« el dommage qu’il ne soit pas du métier !<br />
— Ah ! oui, dit Charlot Bates ; il refuse son bonheur. »<br />
Le Matois poussa encore un soupir et reprit sa pipe. Charlot en fit<br />
autant, et tous deux fumèrent en silence pendant quelques instants.<br />
« Je parie que tu ne sais seulement pas ce que c’est que le métier ? dit<br />
le Matois d’un air de pitié.<br />
— Je crois que si, répondit Olivier en levant vivement la tête ! cela<br />
veut dire vol... C’est ce que vous faites, n’est-ce pas ? demanda-t-il en se<br />
reprenant.<br />
— Oui, répondit le Matois, et j’aurais honte de faire autre chose. » En<br />
même temps il mit son chapeau sur l’oreille d’un air tapageur, et regarda<br />
maître Bates comme pour l’inviter à dire le contraire, s’il l’osait. « Oui,<br />
c’est mon métier ; et c’est celui de Charlot, et de Fagin, et de Sikes, et de<br />
Nancy, et de Bey, de nous tous tant que nous sommes, à commencer par<br />
Fagin et à finir par le chien, qui ferme la marche.<br />
— Et qui est le moins disposé à trahir, ajouta Charlot Bates.<br />
— Ce n’est pas lui, dit le Matois, qui s’aviserait d’aboyer au banc des<br />
témoins et d’aller se compromere ; on pourrait bien l’y aacher et le<br />
laisser quinze jours sans manger, qu’il ne bougerait pas.<br />
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