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Olivier Twist I<br />
Chapitre XIX<br />
« Bonsoir, Nancy, dit le juif, en s’affublant de sa grande redingote.<br />
— Bonsoir. »<br />
Leurs yeux se rencontrèrent, et Fagin lança à la jeune fille un regard<br />
pénétrant et scrutateur. Elle ne broncha pas ; le juif allongea sournoisement<br />
en passant un coup de pied à l’ivrogne étendu sur le plancher, et<br />
descendit l’escalier à tâtons.<br />
« Toujours la même chose, marmoait le juif entre ses dents en prenant<br />
le chemin de sa demeure. Ce qu’il y a de pis chez ces femmes, c’est<br />
qu’un rien leur rappelle un sentiment oublié depuis longtemps ; mais ce<br />
qu’il y a de bon, c’est que cela ne dure pas. Ha ! ha ! l’homme contre l’enfant,<br />
pour un sac d’or ! »<br />
Tout en trompant l’ennui de la route par ces agréables réflexions, M.<br />
Fagin regagna son obscure tanière, où le Matois était encore sur pied,<br />
aendant avec impatience le retour de son maître.<br />
« Olivier est-il couché ? j’ai à lui parler, fut la première phrase du juif<br />
en descendant l’escalier.<br />
— Il y a longtemps, répondit le Matois en ouvrant une porte. Le voici. »<br />
L’enfant, profondément endormi, reposait sur un matelas grossier<br />
étendu sur le plancher. L’inquiétude, la tristesse, l’ennui de la captivité,<br />
l’avaient rendu pâle comme la mort, non telle qu’elle se montre à nous<br />
sous le linceul et dans le cercueil, mais telle qu’elle s’offre à nos yeux au<br />
moment où la vie vient de s’éteindre ; quand une âme jeune et pure vient<br />
de s’envoler vers le ciel, et que l’air grossier de ce monde n’a pas encore<br />
eu le temps de souffler sur cee poussière qu’elle animait et qu’elle sanctifiait.<br />
« Pas maintenant, dit le juif en s’éloignant sans bruit. Demain, demain.<br />
»<br />
n<br />
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