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Olivier Twist I<br />
Chapitre XXV<br />
« Aention ! dit tout à coup le Matois, j’ai entendu le grelot. » Il prit la<br />
chandelle et gravit sans bruit l’escalier. La sonnee, agitée par une main<br />
impatiente, se fit entendre de nouveau. Bientôt le Matois rentra et, d’un<br />
air mystérieux, dit au juif quelques mots à l’oreille.<br />
« Comment ! dit Fagin, il est seul ? » Le Matois fit signe que oui, et,<br />
meant sa main devant la chandelle, il donna à entendre à Charlot Bates<br />
qu’il était temps de mere un terme à ses élans de gaieté. Après avoir<br />
rempli ce devoir d’ami, il regarda fixement le juif et aendit ses ordres.<br />
Le vieillard resta quelques instants à se mordre les doigts d’un air pensif.<br />
L’agitation de son visage annonçait qu’il craignait quelque mauvaise<br />
nouvelle. Enfin, il leva la tête.<br />
« Où est-il ? » demanda-t-il.<br />
Le Matois montra du doigt le plafond et fit mine de s’éloigner.<br />
« Oui, dit le juif comme répondant à une question sous-entendue :<br />
fais-le descendre. Chut ! paix, Charlot ! doucement, Tom ! filez sans bruit. »<br />
Charlot Bates et son récent antagoniste obéirent sur-le-champ à cee<br />
injonction de se retirer. Tout était silencieux quand le Matois descendit<br />
l’escalier, une chandelle à la main, suivi d’un homme en blouse, qui, après<br />
avoir jeté un regard effaré autour de la chambre, ôta une grosse cravate<br />
qui lui cachait le bas du visage, et laissa voir les traits du flambant Tobie<br />
Crackit, mais pâle, défiguré, la barbe longue et la chevelure en désordre.<br />
« Comment ça va-t-il, Fagin ? dit le beau Tobie, en faisant un signe<br />
de tête au juif. Tiens ! Matois, mets ce cache-nez dans mon castor, que je<br />
sache où le trouver en m’en allant. Bien ! tu feras un fameux lapin, toi, et<br />
tu enfonceras les anciens. »<br />
Tout en parlant, il releva sa blouse, mit les mains dans ses poches,<br />
approcha une chaise du feu et posa ses pieds sur les chenets.<br />
« Voyez, Fagin, dit-il en montrant tristement ses boes croées, pas<br />
une goue de cirage depuis... vous savez quand. . . Mais ne me regardez<br />
donc pas ainsi ! tout viendra, en son temps ; je ne peux pas causer d’affaires<br />
avant d’avoir bu et mangé ; ainsi donnez-moi de quoi me soutenir,<br />
et laissez-moi me faire une bosse tout tranquillement, pour la première<br />
fois depuis trois jours. »<br />
Le juif fit signe au Matois de poser les vivres sur la table ; puis s’asseyant<br />
en face du voleur, il aendit qu’il lui plût d’entamer la conversa-<br />
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