Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Olivier Twist I<br />
Chapitre XVIII<br />
empalé, s’il n’avait pas le gosier aussi sec qu’un four à chaux.<br />
« Olivier, demanda le juif, tandis que les jeunes filous meaient sur la<br />
table une bouteille d’eau-de-vie, d’où penses-tu qu’arrive monsieur ?<br />
— Je... ne sais pas, monsieur, répondit l’enfant.<br />
— ’est-ce que c’est que celui-là ? demanda Tom Chitling en jetant<br />
sur Olivier un regard de dédain.<br />
— Un de mes jeunes amis, mon cher, répliqua le juif.<br />
— Eh bien ! il a de la chance, dit le jeune homme en regardant Fagin<br />
d’un air d’intelligence ; ne t’inquiète pas de savoir d’où je viens, mon garçon.<br />
Tu prendras assez vite le même chemin, j’en gagerais bien un écu. »<br />
Les jeunes voleurs rirent de cee saillie, et, après quelques plaisanteries<br />
sur le même sujet, ils échangèrent avec Fagin quelques mots à voix<br />
basse, et quièrent la chambre.<br />
Après avoir causé un instant tête à tête, le nouveau venu et Fagin allèrent<br />
s’asseoir auprès du feu. Le juif dit à Olivier de venir prendre place<br />
près de lui, et fit tomber la conversation sur les sujets les plus propres à<br />
intéresser ses auditeurs. Il s’étendit sur les grands avantages du métier,<br />
sur l’habileté du Matois, la bonne humeur de Charlot Bates et la libéralité<br />
de lui, Fagin. and il eut épuisé tous ces sujets, comme M. Chitling<br />
tombait de fatigue (effet ordinaire d’un séjour de quelques semaines à la<br />
maison de correction), miss Bey se retira, et la société se sépara pour<br />
aller dormir.<br />
À partir de ce jour, Olivier ne resta presque jamais seul ; il fut continuellement<br />
en rapport avec les deux jeunes filous, qui jouaient chaque<br />
matin avec le juif à leur jeu favori ; était-ce pour les rendre plus adroits,<br />
ou pour former peu à peu Olivier ? à cela M. Fagin eût pu répondre mieux<br />
que personne. Parfois le vieux scélérat leur contait des histoires d’escroquerie<br />
de sa jeunesse, d’une manière si plaisante et si originale, qu’Olivier<br />
ne pouvait s’empêcher de rire de tout son cœur, et de montrer qu’en dépit<br />
de la délicatesse de ses sentiments, il prenait plaisir à ces récits.<br />
En un mot, le vieux misérable tenait l’enfant dans ses filets ; après<br />
l’avoir amené, par la solitude et la tristesse, à préférer une société quelconque<br />
à l’isolement dans cet affreux séjour, sans autre passe-temps que<br />
ses tristes pensées, il versait peu à peu dans son cœur le poison sur lequel<br />
154