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96 Voyage
le zèle triompha de tout, & la douceur des Millionnaires
amena enfin à leurs pieds ces farouches habitans des bois.
En effet., ils les réunirent dans des habitations , leur donnèrent
des loix , introduisent chez eux les arts utiles &
agréables ; enfin d'une Nation barbare, fans mœurs 6c
fans religion , ils en firent un peuple doux ,
policé , exacl
obfervateur des cérémonies chrétiennes. Ces Indiens ,
charmes par l'éloquence perfuafive de leurs apôtres, obéiffoient
volontiers à des hommes qu'ils voyoient fe ïacrifier
à leur bonheur ; de telle façon que quand ils vouioient fe
former une idée du Roi d'Efpagne, ils fe le repréfentoient
fous l'habit de S. Ignace.
Révolte des Cependant il y eut contre-fon autorité un infiant de réles'Efpa-
volte dans l'année 1757. Le Roi Catholique venoit d'égaols.
changer avec le Portugal les peuplades des millions fituées
fur la rive gauche de l'Uraguai contre la colonie du Saintsacrement.
L'envie d'anéantir la contrebande énorme ,
dont nous avons parlé pluf eurs fois , avoit engagé la Cour
de Madrid à cet échange. L'Uraguai devénoit ainfi la
limite despofTeffions refpeclives des deux Couronnes ;
faifoit paiïer fur fa rive droite les Indiens des peuplades cédées,
& on les dédommageoit en argent du travail de
Caufedeleur leur déplacement. Mais ces hommes accoutumés à leurs
me contente
ment.
foyers ,
ne purent fourlrir d'être obligés de quitter des terres,
en pleine valeur ,
on
pour en aller défricher de nouvelles»
Us prirent donc les armes : depuis long-tems on leur avoit
permis d'en avoir pour fe défendre contre les incurfions
des.Pauliftes , brigands iffus du Bréfil, & qui s'étoient. formés
en république vers la fin du feizieme fiecle. La révolte
éclata fans qu'aucun Jéfuite parût jamais à la tête des
Indiens.
On dit même qu'ils furent retenus par force dans
les