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158 Voyage
qu'ils s'étoient peint tout le corps de taches rouges & blanches:
mais voyant nos canots partir du bord, & voguer
vers leurs cabanes , ils les fuivirent , une feule pirogue
fut à bord de l'Etoile, Elle y relia peu de tems & vint rejoindre
aufîltôt les autres avec lefquels nos Meilleurs
étoient en grande amitié. Les femmes cependant étoient
toutes retirées dans une même cabane , & les Sauvages
paroifîbient mécontens , lorsqu'on y vouloit entrer. Us invitoient
au contraire à venir dans les autres , où ils offrirent
à ces Meilleurs des moules qu'ils fuçoient avant que
de les préfenter. On leur fit de petits préfens qui furent acceptés
de bon cœur. Ils chantèrent, danferent, & témoignèrent
plus de gaieté que l'on n'auroit cru en trouver chez
des hommes fauvages , dont l'extérieur efr. ordinairement
férieux.
Accident fu- Leur joie ne fut pas de longue durée. Un de leurs en-
6 à"*
l'un
^ans 9 *gé d'environ douze ans , le feul de toute la bande
îive
d'eux.
dont la figure fût intérefïante à nos yeux , fut faifi tout
d'un coup d'un crachement de fang accompagné de violentes
convulfions. Le malheureux avoit été à bord de
l'Etoile où on lui avoit donné des morceaux de verre &
de glace , ne prévoyant pas le funefte effet qui devoit
fuivre ce préfent. Ces Sauvages ont l'habitude de s'enfoncer
dans la gorge & dans les narines de petits morceaux
de talc. Peut-être la fuperftition attache-t-elle chez eux
quelque vertu à cette efpece de talifman, peut-être le regardent-ils
comme un préfervatif à
quelque incommodité
à laquelle ils font fujets. L'enfant avoit vraifemblablement
fait le même ufage du verre. Il avoit les lèvres, les gencives
& le palais coupés en plufieurs endroits , & rendoitle
fang préfque continuellement.