Les Collections de L’Histoire
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Et s’ils avaient<br />
parlé français ?<br />
Avec la conquête norman<strong>de</strong>, le français <strong>de</strong>vient la langue<br />
<strong>de</strong>s élites et éclipse le vieil anglais. L’anglais ne re<strong>de</strong>vient<br />
une langue écrite importante qu’à la fin du Moyen Age.<br />
Avant sa conquête par le duc <strong>de</strong><br />
Normandie Guillaume le Conquérant<br />
en 1066, l’Angleterre était un <strong>de</strong>s rares<br />
pays où il existait, outre la culture<br />
latine, une culture écrite vernaculaire<br />
vigoureuse, en vieil anglais, langue germanique.<br />
Sa promotion en avait surtout été assurée<br />
par le roi Alfred le Grand (871-899), à l’origine d’un<br />
mouvement <strong>de</strong> mise par écrit <strong>de</strong> co<strong>de</strong>s juridiques et <strong>de</strong><br />
traductions <strong>de</strong> textes variés. Ses initiatives ont connu<br />
une certaine postérité, grâce au renouveau du monachisme<br />
anglais du x e siècle, en particulier dans les nouvelles<br />
abbayes <strong>de</strong> Glastonbury et <strong>de</strong> Ramsey – même<br />
si leur production fut avant tout d’ordre religieux :<br />
sermons, vies <strong>de</strong> saints, extraits <strong>de</strong> la Bible.<br />
Par AUDE MAIREY<br />
Directrice adjointe du Lamop<br />
(CNRS) à Paris-I, Au<strong>de</strong> Mairey<br />
a notamment publié Une Angleterre<br />
entre rêve et réalité. Littérature et société<br />
dans l’Angleterre du xiv e siècle<br />
(Publications <strong>de</strong> la Sorbonne, 2007).<br />
LANGUE DES ÉLITES<br />
L’arrivée <strong>de</strong>s « Normands » mit un terme à ces élans<br />
et le français fut imposé comme langue courtoise et littéraire<br />
au détriment du vieil anglais, dont la production<br />
fut réduite à peau <strong>de</strong> chagrin au xii e siècle, sans toutefois<br />
disparaître complètement. En revanche, l’anglais<br />
restait la langue maternelle <strong>de</strong> la population. Et notons<br />
également la persistance et même le développement<br />
du gallois écrit au pays <strong>de</strong> Galles – les langues celtiques<br />
restent présentes dans l’ensemble <strong>de</strong>s îles Britanniques.<br />
Mais c’est bien dans les domaines <strong>de</strong>s Plantagenêts,<br />
en particulier durant le règne d’Henri II (1154-1189)<br />
et <strong>de</strong> sa femme Aliénor d’Aquitaine, qu’une littérature<br />
en « anglo-normand » ou « anglo-français » a vu le jour<br />
<strong>de</strong> manière précoce, notamment dans les chroniques et<br />
les romans, non sans arrière-pensées politiques 1 .<br />
Le Roman <strong>de</strong> Brut (le titre fait référence à Brutus,<br />
petit-fils d’Énée et fondateur supposé <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-<br />
Bretagne) <strong>de</strong> Wace, vers 1155, par exemple, adaptation<br />
versifiée <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> Bretagne <strong>de</strong><br />
Geoffroy <strong>de</strong> Monmouth (vers 1130), l’« inventeur »<br />
Succès Début du Roman <strong>de</strong> Brut <strong>de</strong> Wace. Cette histoire légendaire<br />
<strong>de</strong> l’Angleterre a été écrite en anglo-normand en 1155 et a connu un<br />
grand succès.<br />
BNF, FRANÇAIS 794 FOLIO 286R<br />
24 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77