ENSEMBLE Affiche <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale montrant <strong>de</strong>s soldats <strong>de</strong> l’empire britannique d’origines variées. Un empire pacifique ? 44 % <strong>de</strong>s Britanniques se disent « fiers » <strong>de</strong> leur passé colonial. C’est qu’ils gar<strong>de</strong>nt l’image d’un empire libéral et bienveillant puis d’une décolonisation négociée. La réalité est beaucoup plus nuancée.
1700 PLANTATIONS L’économie <strong>de</strong> plantation (canne, coton, tabac) se met en place aux Amériques : ici, une exploitation <strong>de</strong> tabac en Virginie, avec son lot d’esclaves et ses maîtres blancs oisifs. <strong>Les</strong> Britanniques sont alors les premiers acteurs <strong>de</strong> la traite. 1757 EN INDE Le 23 juin 1757, la bataille <strong>de</strong> Plassey au Bengale marque le début <strong>de</strong> la conquête britannique du sous-continent indien. Celle-ci a été plus longue et difficile qu’on a bien voulu l’écrire en raison <strong>de</strong> la résistance <strong>de</strong> la population et <strong>de</strong>s souverains locaux. HERITAGE IMAGES/LEEMAGE – THE GRANGER COLLECTION NYC/AURIMAGES – LONDRES, NATIONAL PORTRAIT GALLERY ; AISA/LEEMAGE Par PIERRE SINGARAVÉLOU Professeur à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et membre <strong>de</strong> l’Institut universitaire <strong>de</strong> France, Pierre Singaravélou vient <strong>de</strong> diriger, avec Sylvain Venayre, l’Histoire du mon<strong>de</strong> au xix e siècle (Fayard, 2017). Un Français, un homme intelligent ; <strong>de</strong>ux Français, <strong>de</strong> la conversation ; trois Français, la pagaïe. » Et faut-il envier nos voisins d’outre-Manche : « Un Anglais, un imbécile ; <strong>de</strong>ux Anglais, du sport ; trois Anglais, l’empire britannique » ? Dans L’Ame <strong>de</strong>s peuples, publié en 1950, le savant anglophile André Siegfried définit ainsi l’habitus colonial <strong>de</strong>s Britanniques dont il glorifie l’œuvre impériale : « Le mon<strong>de</strong>, au xix e siècle, a été rendu habitable grâce au régime anglais, rajeuni par le libre-échange. […] Quand on quittait nos rivages, avant 1914, c’était pour entrer aussitôt dans une sorte <strong>de</strong> république mercantile internationale, qui fonctionnait sous l’égi<strong>de</strong> britannique et où les métho<strong>de</strong>s britanniques prévalaient. <strong>Les</strong> étrangers bénéficiaient, tout comme les sujets <strong>de</strong> la reine, <strong>de</strong> ce fair-play, et tous les Blancs profitaient <strong>de</strong> cette Pax Britannica, à la simple condition qu’ils en acceptassent les règles. L’Angleterre enseignait ainsi au mon<strong>de</strong> une leçon <strong>de</strong> liberté, que le mon<strong>de</strong>, hélas, n’a pas comprise. » Cette vision hagiographique d’un empire libéral et bienveillant habite encore aujourd’hui une fraction importante <strong>de</strong> l’élite politique britannique comme en témoignent les déclarations successives <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers Premiers ministres. Le travailliste Gordon Brown, pourtant historien <strong>de</strong> formation, affirme en 2005 : « J’ai discuté avec <strong>de</strong> nombreuses personnes à l’occasion <strong>de</strong> ma visite en Afrique et le temps est révolu où la Gran<strong>de</strong>-Bretagne <strong>de</strong>vait s’excuser <strong>de</strong> son histoire coloniale. Nous <strong>de</strong>vons célébrer notre passé. » Une conviction partagée par son adversaire le conservateur David Cameron, qui déclare en 2013 à la faveur d’une visite officielle en In<strong>de</strong> : « Je pense qu’il y a énormément <strong>de</strong> choses dont il faut être fier dans le passé impérial britannique. » L’actuel ministre <strong>de</strong>s Affaires étrangères, Boris Johnson, avait osé écrire en 2002 dans le Spectator : « L’Afrique est un gâchis. […] Le problème n’est pas que nous y avons été aux affaires, mais que nous n’y sommes plus. » Ce sentiment serait partagé par une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la population du Royaume-Uni, comme semble indiquer le sondage Yougov du 18 janvier 2016, qui a révélé que 44 % <strong>de</strong>s personnes interrogées en Gran<strong>de</strong>- Bretagne se sentaient « fières » du passé colonial britannique tandis que 21 % affirmaient le « regretter », 23 % ni l’un ni l’autre et 13 % ne se prononçaient pas. LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77 51
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