Les Collections de L’Histoire
- No tags were found...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Symbole Le 28 septembre 1941, Churchill se rend dans les ruines <strong>de</strong> la cathédrale <strong>de</strong> Coventry, érigée en symbole <strong>de</strong> la<br />
barbarie nazie. Dans Londres dévastée par un bombar<strong>de</strong>ment la nuit du 14 novembre 1940, plus <strong>de</strong> 500 civils sont morts.<br />
GALERIE BILDERWELT/BRIDGEMAN IMAGES<br />
forçant encore le trait dans son livre provocateur The<br />
Pity of War, où il explique que les Britanniques auraient<br />
eu tout intérêt à rester en <strong>de</strong>hors du conflit en 1914 : ils<br />
auraient ainsi assuré la défaite <strong>de</strong> la France, consacré<br />
la domination <strong>de</strong> l’Allemagne, permis la mise en place<br />
d’une zone douanière dont les Européens comme les<br />
Britanniques auraient tiré profit, et évité qu’une guerre<br />
continentale ne se transforme en guerre mondiale.<br />
Depuis le début du xx e siècle, le débat sur ce qui fait<br />
la force militaire du Royaume-Uni et son terrain d’action<br />
légitime n’a jamais véritablement cessé. A l’été 1914, la<br />
petite armée britannique, qui a été mo<strong>de</strong>rnisée à la suite<br />
<strong>de</strong>s difficultés rencontrées lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>s<br />
Boers en Afrique du Sud contre les <strong>de</strong>scendants <strong>de</strong>s<br />
colons néerlandais (octobre 1899-mai 1902), pèse peu<br />
en comparaison <strong>de</strong>s 3,8 millions d’hommes que l’Allemagne<br />
et la France sont chacune capables <strong>de</strong> mobiliser<br />
en quelques semaines : l’armée régulière ne compte que<br />
247 000 soldats, dont la moitié servent dans les colonies.<br />
Une division d’infanterie étant affectée à la défense<br />
intérieure en cas d’invasion alleman<strong>de</strong>, le corps expéditionnaire<br />
britannique ne peut pas compter initialement<br />
sur plus <strong>de</strong> 80 000 hommes. Pour mener une intervention<br />
sur le continent, le Royaume-Uni doit recourir au<br />
volontariat : ce seront les « bataillons <strong>de</strong> copains » (pals<br />
battalions) <strong>de</strong> l’armée Kitchener, issus du même quartier,<br />
<strong>de</strong> la même équipe <strong>de</strong> football ou <strong>de</strong> la même entreprise,<br />
comme le bataillon <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> tramways <strong>de</strong> Glasgow.<br />
Le succès est assez rapi<strong>de</strong>, sans qu’on puisse<br />
pour autant parler d’enthousiasme, comme l’a bien<br />
montré l’historien Adrian Gregory 2 . En décembre 1915,<br />
quelque 2,5 millions <strong>de</strong> volontaires sont sous les drapeaux.<br />
<strong>Les</strong> raisons <strong>de</strong> l’engagement sont d’ailleurs<br />
complexes, mélange <strong>de</strong> patriotisme défensif, d’indignation<br />
morale face aux atrocités alleman<strong>de</strong>s en<br />
Belgique, <strong>de</strong> pression sociale et d’avantages économiques<br />
apportés par la sol<strong>de</strong> que reçoivent les soldats.<br />
Mais le volontariat ne suffit pas. Début 1916, le gouvernement<br />
britannique déci<strong>de</strong> donc d’introduire >>><br />
DANS LE TEXTE<br />
Un amour féroce pour la patrie<br />
«Dans une ville <strong>de</strong> province ordinaire, personne<br />
ne pense que le fait <strong>de</strong> s’engager ait quoi que ce<br />
soit d’anormal ou <strong>de</strong> saugrenu ; la ville s’est<br />
soudée et se mobilise <strong>de</strong> façon splendi<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière<br />
ses hommes. J’ai le sentiment <strong>de</strong> plus faire partie <strong>de</strong><br />
Colchester que <strong>de</strong> n’importe quel autre lieu. C’est<br />
pour cette Angleterre-là que je vais me battre. Elle<br />
représente en tout cas davantage un microcosme <strong>de</strong><br />
l’Angleterre véritable que tout autre lieu que je<br />
connaisse intimement. Quelle satisfaction que <strong>de</strong><br />
ressentir tant <strong>de</strong> liens avec sa patrie, une sorte<br />
d’amour féroce pour elle… »<br />
Lettre du sergent Fre<strong>de</strong>ric Keeling à son amie,<br />
le 25 octobre 1914.<br />
NOTES<br />
1. B. H. Lid<strong>de</strong>ll<br />
Hart, The British<br />
Way in Warfare,<br />
Londres, Faber,<br />
1932.<br />
2. A. Gregory,<br />
The Last Great<br />
War. British<br />
Society and the<br />
First World War,<br />
Cambridge<br />
University<br />
Press, 2008.<br />
LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77 71