13.09.2017 Views

Les Collections de L’Histoire

  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Dans les années 1860, commerçants,<br />

ingénieurs et soldatsfon<strong>de</strong>nt les premiers<br />

clubs dans les gran<strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> l’empire<br />

dont les tribunes, où s’entassent <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers<br />

<strong>de</strong> spectateurs, jouxtent les lignes <strong>de</strong> touche. Avec<br />

l’instauration progressive du « samedi anglais », l’arrêt<br />

<strong>de</strong> la semaine <strong>de</strong> travail le samedi à 13 heures, les<br />

ouvriers se pressent dans ces temples du people’s game.<br />

Le coup d’envoi <strong>de</strong>s matchs est donné à 15 heures, et<br />

non le dimanche, jour du Seigneur.<br />

<strong>Les</strong> années 1890 voient même l’émergence d’une<br />

première forme <strong>de</strong> violence <strong>de</strong> la part du public,<br />

soixante-dix ans avant l’irruption du hooliganisme<br />

sportif. Le terme hooligan, forgé sur un patronyme<br />

irlandais, a commencé à être utilisé à la fin du<br />

xix e siècle pour caractériser les ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> voyous aussi<br />

craints à Londres que les apaches à Paris. Si les supporteurs<br />

<strong>de</strong> football n’assassinent encore personne,<br />

ils commencent à envahir les pelouses, à pourchasser<br />

les arbitres et les joueurs adverses, et se battent<br />

volontiers, exprimant ainsi une i<strong>de</strong>ntité ouvrière et<br />

virile valorisant l’usage <strong>de</strong>s poings.<br />

SENTIMENT DE SUPÉRIORITÉ<br />

Le football professionnel reste longtemps l’apanage<br />

du Nord industriel. Jusqu’au début <strong>de</strong>s années 1930,<br />

les champions d’Angleterre ont pour noms Preston<br />

North End, Sun<strong>de</strong>rland, ou encore Liverpool, Everton<br />

et Manchester United. Il faut attendre 1931 pour qu’un<br />

club londonien, Arsenal, remporte la Ligue. La finale<br />

<strong>de</strong> la Coupe d’Angleterre est néanmoins toujours disputée<br />

à Londres dans le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> Crystal Palace, puis, à<br />

partir <strong>de</strong> 1923, dans la nouvelle enceinte <strong>de</strong> Wembley.<br />

Chaque année, au mois d’avril, <strong>de</strong>s trains spéciaux<br />

acheminent vers la capitale anglaise <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong><br />

milliers d’habitants du Nord ou <strong>de</strong>s Midlands, armés<br />

<strong>de</strong> crécelles et portant fièrement les couleurs <strong>de</strong> leur<br />

club. Plus <strong>de</strong> 100 000 personnes assistent, dès le début<br />

Société du spectacle David Beckham (ici avec sa femme Victoria en<br />

février 2012), aussi célèbre pour son talent sportif que pour ses contrats<br />

publicitaires, incarne la marchandisation du football <strong>de</strong>puis les années 1990.<br />

du xx e siècle, à cette tradition inventée, symbole <strong>de</strong> la<br />

nouvelle respectabilité <strong>de</strong> la classe ouvrière, comme<br />

l’atteste la présence dans le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong>s souverains<br />

anglais <strong>de</strong>puis 1914.<br />

La patrie du football a très tôt exporté son invention.<br />

La diffusion mondiale du football a été étroitement<br />

associée à l’impérialisme anglais. Dans les années 1860,<br />

marins, commerçants, ingénieurs et soldats britanniques<br />

fon<strong>de</strong>nt les premiers clubs <strong>de</strong>s ports sudaméricains,<br />

africains ou européens. <strong>Les</strong> élites locales<br />

leur emboîtent le pas en formant <strong>de</strong>s équipes dont la<br />

dénomination, parfois anglaise, se termine souvent par<br />

la mention FC (Football Club).<br />

Leurs membres comman<strong>de</strong>nt ballons, chaussures<br />

et maillots auprès <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>s<br />

Midlands. Ils n’hésitent pas à inviter <strong>de</strong>s équipes amateurs<br />

anglaises afin <strong>de</strong> dispenser <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong> football<br />

tous frais payés.<br />

Et lorsqu’en 1904 <strong>de</strong>s fédérations européennes<br />

fon<strong>de</strong>nt à Paris la Fédération internationale <strong>de</strong> football<br />

association (Fifa), ses dirigeants n’ont <strong>de</strong> cesse<br />

d’obtenir l’onction d’Albion. Dès 1906, c’est chose faite :<br />

jusqu’en 1918, c’est un Anglais, Daniel Woolfall, qui prési<strong>de</strong><br />

l’institution. Mais forts d’un sentiment <strong>de</strong> supériorité<br />

sportive et culturelle, les dirigeants <strong>de</strong> la Football<br />

Association déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> quitter l’organisation mondiale<br />

en 1928, prétextant un désaccord sur la définition <strong>de</strong><br />

l’amateurisme. Certains d’entre eux considèrent encore<br />

aujourd’hui que la Fifa leur a « volé » leur sport.<br />

Dans l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres, clubs et équipe nationale<br />

d’Albion continuent à franchir le Channel, bien que la<br />

Football Association décline avec hauteur l’invitation<br />

à participer aux premières Coupes du mon<strong>de</strong>. Si les<br />

footballeurs anglais sont encore regardés comme <strong>de</strong>s<br />

maîtres, à l’image <strong>de</strong> Stanley Matthews et <strong>de</strong> sa longue<br />

carrière (1932-1966), et si les gran<strong>de</strong>s innovations tactiques<br />

voient encore le jour outre-Manche, comme le<br />

WM, élaboré par Herbert Chapman et qui fait passer<br />

le nombre <strong>de</strong> défenseurs <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois tout en renforçant<br />

la spécialisation <strong>de</strong>s postes, certaines équipes<br />

continentales tiennent la dragée haute à l’Angleterre.<br />

<strong>Les</strong> signes <strong>de</strong> déclin apparaissent surtout après la<br />

Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale. En 1946, les fédérations<br />

britanniques réintègrent la Fifa. Quatre ans plus tard,<br />

l’équipe d’Angleterre participe à sa première Coupe du<br />

mon<strong>de</strong>. Elle est piteusement éliminée par les États-Unis.<br />

En 1953 surtout, elle est balayée (3-6) sur ses terres <strong>de</strong><br />

Wembley par la sélection hongroise, avant d’être écrasée<br />

un an plus tard à Budapest 1 à 7.<br />

Certes, en 1966, à Wembley, l’équipe anglaise est<br />

sacrée championne du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant Élisabeth II, mais<br />

le titre est remporté après une finale controversée face<br />

à la sélection ouest-alleman<strong>de</strong>. Désormais, c’est le<br />

Brésil qui incarne le pays du football et les clubs latins<br />

qui dominent le football du Vieux Continent. Il faut<br />

attendre 1968 pour qu’un club anglais, Manchester<br />

OHN SHEARER/WIREIMAGE/GETTY IMAGES<br />

80 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!