Les Collections de L’Histoire
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L’éclairage<br />
CE QUE LA<br />
RÉSISTANCE DOIT<br />
AUX ANGLAIS<br />
Jean-Louis Crémieux-Brilhac<br />
a réalisé un documentaire pour<br />
leur rendre hommage.<br />
La Résistance française n’aurait pas été<br />
la même sans l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Britanniques. Cette<br />
ai<strong>de</strong> a revêtu plusieurs aspects. Le plus connu,<br />
ce sont les messages <strong>de</strong> la BBC et les<br />
parachutages. La propagan<strong>de</strong> aérienne britannique est,<br />
elle, ignorée. <strong>Les</strong> Anglais ont pourtant fait tomber du<br />
ciel 750 millions <strong>de</strong> tracts. Mais l’action <strong>de</strong>s Britanniques<br />
passait avant tout par l’action subversive avec le SOE<br />
(Special Operations Executive), fondé en juillet 1940.<br />
Depuis <strong>de</strong>s décennies, il existait en Angleterre un<br />
service secret légendaire rattaché au Foreign Office :<br />
le Secret Intelligence Service ou MI6, en charge du<br />
renseignement. Mais, en 1940, aucun agent n’était<br />
posté en France puisque les <strong>de</strong>ux pays étaient alliés.<br />
Or les Anglais étaient persuadés que les nazis avaient<br />
réussi à vaincre partout grâce à leur « cinquième<br />
colonne ». Ils ont donc décidé d’attaquer les Allemands<br />
avec leur propre métho<strong>de</strong>. Churchill a constitué<br />
un organisme secret, distinct <strong>de</strong> l’Intelligence Service,<br />
chargé <strong>de</strong> « mettre l’Europe en feu » : le SOE.<br />
<strong>de</strong>ux branches du SOE : la section « RF », qui assurait<br />
la liaison avec le BCRA du général <strong>de</strong> Gaulle, et la<br />
section « F », qui suivait les directives <strong>de</strong>s chefs d’étatmajor<br />
britanniques. La section RF formait « à l’anglaise »<br />
les agents <strong>de</strong> la France Libre dans ses écoles spécialisées<br />
et leur assurait tous les moyens matériels, jusqu’à la<br />
pilule <strong>de</strong> cyanure pour se suici<strong>de</strong>r en cas d’arrestation.<br />
De Gaulle et ses services secrets dépendaient<br />
en toutes choses <strong>de</strong>s Anglais puisque ceux-ci s’étaient<br />
réservé le monopole <strong>de</strong> la logistique : l’argent, les<br />
transports, les appareils radio, les co<strong>de</strong>s et les armes.<br />
Tous les messages radio vers ou <strong>de</strong>puis la France<br />
passaient par une centrale britannique. Et cela jusqu’à<br />
juin-juillet 1944, date <strong>de</strong> l’instauration d’un état-major<br />
interallié <strong>de</strong>s Forces françaises <strong>de</strong> l’intérieur.<br />
En Gran<strong>de</strong>-Bretagne, le SOE appartient à la<br />
mémoire nationale. En France, on rechigne à<br />
reconnaître que la tria<strong>de</strong> BBC, Royal Air Force,<br />
SOE a été un <strong>de</strong>s moteurs <strong>de</strong> l’action résistante.<br />
Rien ne <strong>de</strong>vait amoindrir la légen<strong>de</strong> dorée <strong>de</strong> la<br />
Résistance et l’inconscient national répugne toujours<br />
à ce qu’il lui soit porté atteinte.<br />
Entretien avec Jean-Louis Crémieux-Brilhac,<br />
<strong>L’Histoire</strong> n° 381, novembre 2012.<br />
POPPERFOTO/GETTY IMAGES<br />
13 000 AGENTS DU SOE<br />
Rattaché au ministre <strong>de</strong> la Guerre économique,<br />
ce service secret comptait 13 000 agents à la fin <strong>de</strong><br />
la guerre. Outre les actes <strong>de</strong> sabotage, il était chargé<br />
<strong>de</strong> stimuler la guérilla clan<strong>de</strong>stine en Europe, d’abord<br />
en France, plus tard en Italie et en Yougoslavie,<br />
et même en Extrême-Orient. Au total, plus <strong>de</strong><br />
1 100 agents, Britanniques ou Français libres, ont été<br />
parachutés, déposés ou débarqués sur le sol français,<br />
principalement par les soins du SOE, avant le 6 juin 1944,<br />
effectif qui s’élevait à 1 400 à la fin du mois <strong>de</strong> juin.<br />
Parmi eux, 50 femmes dont 11 du côté <strong>de</strong> la France<br />
Libre et 39 du côté <strong>de</strong>s Britanniques.<br />
En juillet 1940, <strong>de</strong> Gaulle a créé son propre service<br />
<strong>de</strong> renseignements, <strong>de</strong>venu en 1942 le BCRA (Bureau<br />
central <strong>de</strong> renseignements et d’action). Au moment <strong>de</strong><br />
la naissance du SOE, les Anglais avaient peu d’hommes<br />
assez qualifiés. Ils ont <strong>de</strong>mandé à <strong>de</strong> Gaulle <strong>de</strong> leur<br />
fournir <strong>de</strong>s agents. <strong>Les</strong> premiers sabotages sur le sol<br />
français, comme à Pessac en mai 1941, ont ainsi été<br />
effectués par <strong>de</strong>s Français Libres mis à la disposition<br />
du SOE. <strong>Les</strong> Anglais ont néanmoins tenu à fon<strong>de</strong>r leurs<br />
propres réseaux : une centaine couvrant presque<br />
l’ensemble du territoire. Il y eut donc à partir <strong>de</strong> 1941<br />
Violette Szabo et son mari en 1940. Agent secret, elle effectue<br />
<strong>de</strong>ux missions en France avant d’être arrêtée par les Allemands.<br />
NOTES<br />
4. J. Winter,<br />
The Great War<br />
and the British<br />
People, Londres,<br />
Macmillan,<br />
1985.<br />
5. Cf. S. R.<br />
Grayzel,<br />
At Home and<br />
Un<strong>de</strong>r Fire.<br />
Air Raids and<br />
Culture in Britain<br />
from the Great<br />
War to the Blitz,<br />
Cambridge,<br />
Cambridge<br />
University<br />
Press, 2012.<br />
6. Cf. R. Overy,<br />
The Bombing<br />
War: Europe,<br />
1939-1945,<br />
Londres, Allen<br />
Lane, 2013.<br />
7. Sir A. Harris,<br />
Bomber<br />
Offensive,<br />
Londres,<br />
Collins, 1947.<br />
LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77 75