Les Collections de L’Histoire
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L’éclairage<br />
UNE RÉVOLUTION,<br />
MAIS GLORIEUSE<br />
On parle souvent <strong>de</strong> l’allergie <strong>de</strong>s<br />
Britanniques à la notion même <strong>de</strong><br />
« révolution ». Il est vrai que les prédictions<br />
<strong>de</strong> Karl Marx faisant <strong>de</strong> l’Angleterre le<br />
berceau <strong>de</strong> la future révolution prolétarienne ne se sont<br />
pas réalisées. Pourtant, les Anglais ont, en 1640-1660 et<br />
en 1688, connu <strong>de</strong>ux révolutions, et pas <strong>de</strong>s moindres !<br />
En 1649, le roi Charles I er fut décapité à la hache<br />
<strong>de</strong>vant le palais <strong>de</strong> Whitehall, à Westminster.<br />
En 1688, son <strong>de</strong>uxième fils Jacques II abandonna<br />
trône et royaume <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> perdre sa vie.<br />
Ces <strong>de</strong>ux révolutions étaient avant tout le résultat<br />
<strong>de</strong> tensions religieuses entre <strong>de</strong>s protestants<br />
intransigeants et <strong>de</strong>s souverains voulant cette<br />
confession honnie comme religion d’État.<br />
En 1688, la « révolution », qui était en réalité bien<br />
plus proche d’un coup d’État, se vit qualifier <strong>de</strong><br />
« glorieuse », car elle n’avait pas causé <strong>de</strong> morts.<br />
De fait, c’est cette acception qui s’imposa, d’autant<br />
que la mise en place qui s’ensuivit d’une monarchie<br />
limitée, et d’un jeu politique bipartisan, enleva bien<br />
<strong>de</strong> son charme à l’action politique violente. Même<br />
les « radicaux », qui, à compter <strong>de</strong>s années 1770,<br />
<strong>de</strong>mandaient une profon<strong>de</strong> réforme électorale,<br />
se gardaient bien d’appeler à une « révolution ».<br />
<strong>Les</strong> débuts <strong>de</strong> la Révolution française en 1789<br />
furent accueillis plutôt favorablement : les Britanniques<br />
détestaient l’absolutisme <strong>de</strong>s Bourbons, et, en outre,<br />
tout ce qui pouvait affaiblir la France sur la scène<br />
internationale était bienvenu. Mais, dès 1791-1792,<br />
la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s Britanniques se détourna<br />
du nouveau régime. La Terreur <strong>de</strong> 1793, les exécutions<br />
à la chaîne, les vaccinèrent contre cette idéologie.<br />
Dickens, en 1859, publia une œuvre emblématique :<br />
Un conte <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cités, dans laquelle il livre une vision<br />
horrifique <strong>de</strong> la révolution dans ses excès.<br />
Tous les politiques qui avaient, après 1789,<br />
manifesté une quelconque sympathie envers<br />
les révolutionnaires français durent se justifier <strong>de</strong><br />
ne pas être <strong>de</strong>s coupeurs <strong>de</strong> têtes en puissance.<br />
L’accusation <strong>de</strong> « jacobins » fut plus d’une fois utilisée<br />
pour déconsidérer les partisans <strong>de</strong>s réformes politiques.<br />
Certes, il y eut trois crises chartistes, en 1839, 1842<br />
et 1848 : les a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la Charte du peuple réclamaient<br />
<strong>de</strong> vastes réformes politiques, comme l’élection<br />
annuelle du Parlement, le suffrage universel masculin,<br />
un redécoupage équitable <strong>de</strong>s circonscriptions, ou<br />
encore le scrutin secret. Néanmoins, après l’échec<br />
ultime <strong>de</strong> 1848, la négociation et la diplomatie<br />
l’emportèrent dans l’ADN politique britannique<br />
jusqu’à aujourd’hui. P. C.<br />
Jacques II apprenant le débarquement en Angleterre <strong>de</strong> Guillaume d’Orange en 1688. Tableau <strong>de</strong> Ward, 1851.<br />
BURNLEY, TOWNELEY HALL ART GALLERY AND MUSEUM/BRIDGEMAN IMAGES<br />
36 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77