Les Collections de L’Histoire
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L’éclairage<br />
1851-1951 : D’UNE<br />
« EXPO » À L’AUTRE<br />
Londres accueille en 1851 la première<br />
Exposition universelle. Cent ans<br />
plus tard, le Festival of Britain tend<br />
à revigorer une Gran<strong>de</strong>-Bretagne<br />
meurtrie par la guerre.<br />
L’Exposition universelle <strong>de</strong> 1851, première<br />
du genre, organisée à Londres entre mai et<br />
octobre 1851, consacra le lea<strong>de</strong>rship industriel<br />
<strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne. Un siècle plus tard,<br />
<strong>de</strong> mai à septembre 1951, le Festival of Britain venait à la<br />
fois commémorer l’Exposition et célébrer la naissance<br />
d’une Gran<strong>de</strong>-Bretagne nouvelle, six ans après la fin du<br />
second conflit mondial (en bas : affiche <strong>de</strong> 1951).<br />
L’idée d’organiser une « Gran<strong>de</strong> Exposition <strong>de</strong>s produits<br />
<strong>de</strong> l’industrie <strong>de</strong> toutes les nations » venait du prince<br />
Albert, époux <strong>de</strong> la reine Victoria, qui voulait ainsi<br />
« donner un tableau vivant du niveau <strong>de</strong> développement<br />
auquel l’humanité est arrivée » et montrer que la Gran<strong>de</strong>-<br />
Bretagne était bel et bien l’« atelier du mon<strong>de</strong> ». La<br />
volonté <strong>de</strong> marquer le centenaire <strong>de</strong> ladite Exposition<br />
fut quant à elle émise dès 1943 par la Royal Society<br />
of Arts. A la fin du conflit, le nouveau gouvernement<br />
travailliste s’emparait <strong>de</strong> l’idée tout en l’infléchissant :<br />
il s’agirait désormais <strong>de</strong> mettre en avant les réalisations<br />
<strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong>-Bretagne dans les domaines <strong>de</strong>s sciences,<br />
<strong>de</strong> la technique et <strong>de</strong>s arts, en oubliant la dimension<br />
« universelle » <strong>de</strong> 1851. On mettrait à l’honneur<br />
la résilience <strong>de</strong> la capitale britannique après les épreuves<br />
<strong>de</strong> la guerre.<br />
Chacune <strong>de</strong>s expositions se<br />
caractérisait par son inventivité<br />
architecturale. Celle <strong>de</strong> 1851 avait été<br />
tout entière logée sous une serre<br />
géante, issue <strong>de</strong> l’imagination <strong>de</strong> Joseph<br />
Paxton, jardinier en chef du duc <strong>de</strong><br />
Devonshire. Le « palais <strong>de</strong> Cristal »<br />
(en haut : lithographie <strong>de</strong> 1851), fait <strong>de</strong><br />
piliers <strong>de</strong> fonte et <strong>de</strong> fer et <strong>de</strong> grands<br />
panneaux <strong>de</strong> verre, long <strong>de</strong> 563 m<br />
sur 139, était installé dans Hy<strong>de</strong> Park.<br />
On avait réalisé <strong>de</strong>s prouesses<br />
technologiques : on utilisait ainsi pour<br />
la première fois du verre incurvé,<br />
et le bâtiment était un assemblage<br />
d’éléments préfabriqués.<br />
Près <strong>de</strong> 15 000 exposants y étaient<br />
accueillis, dont la moitié originaires du<br />
Royaume-Uni ou <strong>de</strong>s colonies. On y<br />
trouvait aussi bien <strong>de</strong>s machines-outils,<br />
un bloc <strong>de</strong> houille (la principale source<br />
d’énergie <strong>de</strong> l’époque) pesant 24 tonnes, que <strong>de</strong>s<br />
œuvres d’art (tissus, orfèvrerie, joaillerie…). Cent ans<br />
plus tard, le Festival of Britain prit place sur la rive sud<br />
<strong>de</strong> la Tamise (South Bank), que les bombar<strong>de</strong>ments<br />
allemands avaient en gran<strong>de</strong> partie rasée. Elle fut<br />
entièrement remo<strong>de</strong>lée pour l’ouvrir largement au<br />
public. Le Royal Festival Hall, salle <strong>de</strong> concert construite<br />
pour l’exposition, le « Dôme <strong>de</strong> la découverte », qui<br />
initiait ses visiteurs aux sciences naturelles, la tour Skylon,<br />
sorte <strong>de</strong> cigare d’aluminium suspendu par <strong>de</strong>s câbles<br />
et culminant à 90 m <strong>de</strong> hauteur, en rythmaient la visite.<br />
UN GRAND SUCCÈS<br />
Le Festival of Britain se retrouva au cœur <strong>de</strong>s<br />
controverses politiques. <strong>Les</strong> travaillistes, aisément élus<br />
en 1945, avaient remporté <strong>de</strong> peu les élections <strong>de</strong> 1950.<br />
La situation économique était encore délicate. Il<br />
s’agissait donc <strong>de</strong> susciter un mouvement d’adhésion<br />
populaire autour <strong>de</strong>s réalisations du gouvernement : les<br />
organisateurs du Festival n’y tenaient pas trop, mais<br />
nécessité fait loi… Du coup, au lieu <strong>de</strong> se concentrer sur<br />
la seule capitale, le Festival fut d’ampleur nationale. Mais<br />
cet objectif tourna court : en 1951, les conservateurs<br />
retournèrent au pouvoir. Churchill, hostile<br />
au projet, fit démolir tous les bâtiments, à<br />
l’exception du Royal Festival Hall.<br />
<strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux expositions eurent un succès<br />
incontestable : 6 millions <strong>de</strong> visiteurs<br />
en 1851, 10 millions un siècle plus tard.<br />
Son directeur, Gerald Barry, avait émis<br />
le vœu que le Festival constituât un<br />
« revigorant pour le pays », après les<br />
épreuves <strong>de</strong> la guerre. Mais, c’est un peu<br />
ce que l’Exposition universelle <strong>de</strong> 1851<br />
avait également réalisé : la décennie<br />
précé<strong>de</strong>nte avait été marquée par une<br />
grave crise économique (Hungry Forties)<br />
et par la crainte <strong>de</strong> la révolution<br />
<strong>de</strong>s chartistes qui réclamaient <strong>de</strong> vastes<br />
réformes politiques. L’Exposition<br />
se déroula sans problème et montra,<br />
au contraire, une réelle communion<br />
nationale. Le pays en avait, déjà, été<br />
« revigoré ».<br />
Philippe Chassaigne<br />
SSPL/NATIONAL MEDIA MUSEUM/LEEMAGE – ALAMY/PHOTO12<br />
62 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°77