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Le cinéma et les autres arts : la citation de la peinture et ... - Archipel

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2.2.3 La <strong>citation</strong> reconstitution<br />

2.2.3.1 <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n-tableau comme métaphore (<strong>citation</strong>-métaphore)<br />

<strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n-tableau comme métaphore s'intègre à <strong>la</strong> fiction <strong>et</strong> <strong>de</strong>vient un élément<br />

important <strong>de</strong> l'histoire, mais d'une manière secrète. <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n-tableau sert d'alibi à travers le<br />

récit continu ou <strong>la</strong> ligne narrative du film. Il s'agit d'une allusion qui n'est pas toujours<br />

comprise immédiatement par <strong>les</strong> spectateurs, mais il peut ai<strong>de</strong>r l'histoire à prendre forme. <strong>Le</strong><br />

renvoi au sens caché du film <strong>de</strong>vient alors compréhensible. <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n-tableau métaphorique<br />

donne à l'image un caractère mystérieux. D'après Bonitzer, le film <strong>de</strong> d'Eric Rohmer La<br />

marquise d'0J28 (1982) repose sur un p<strong>la</strong>n-tableau comme métaphore en s'appuyant sur une<br />

image-clé qui se dévoile comme une allusion à un événement secr<strong>et</strong> (fig. 88). Dans son film,<br />

Rohmer crée un eff<strong>et</strong> visuel - le viol ne se voit pas <strong>et</strong> s'accomplit entre <strong>de</strong>ux p<strong>la</strong>ns en hors­<br />

champ - pour illustrer au <strong>cinéma</strong> le sous-entendu dramatique du récit, soit le viol, en citant le<br />

tableau <strong>de</strong> Johann Heinrich Füssli, <strong>Le</strong> cauchemar (fig. 89). <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n-tableau s'approprie tout<br />

d'abord l'attitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> le statut <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme peinte par le personnage filmé. Mais si <strong>la</strong> robe <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

pose <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme endormie <strong>et</strong> renversée sur le dos, <strong>la</strong> tête <strong>et</strong> <strong>les</strong> bras hors du lit peuvent<br />

rappeler le tableau <strong>de</strong> Füssli, c<strong>et</strong>te insinuation reste complexe <strong>et</strong> ambiguë puisque <strong>les</strong> figures<br />

<strong>de</strong> l'incube l29 <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> jument130, présents dans <strong>la</strong> toile, sont écartées du p<strong>la</strong>n-tableau,<br />

sûrement par soucis <strong>de</strong> réalisme. <strong>Le</strong> diablotin qui faisait allusion au viol dans <strong>la</strong> <strong>peinture</strong> est<br />

donc supprimé à l'écran, comme le viol est exclus du récit <strong>cinéma</strong>tographique. <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n­<br />

tableau métaphorique suppose nécessairement une reconnaissance culturelle <strong>et</strong> un appel <strong>de</strong><br />

lecture peu importe son intention. Une fois c<strong>et</strong>te i<strong>de</strong>ntification admise, le renvoi au sens<br />

caché du film par <strong>la</strong> <strong>citation</strong> du Cauchemar <strong>de</strong> Füssli <strong>de</strong>vient compréhensible. <strong>Le</strong> p<strong>la</strong>n­<br />

tableau métaphorique sert finalement <strong>de</strong> support narratif du film.<br />

128 En 1799, lorsque <strong>la</strong> ville tombe aux mains <strong>de</strong> l'ennemi, une jeune veuve, <strong>la</strong> marquise d'O, est en passe <strong>de</strong> subir<br />

<strong>les</strong> outrages sexuels <strong>de</strong> ses vainqueurs lorsqu'un comte russe <strong>la</strong> sauve du déshonneur. Mais profitant du profond<br />

sommeil <strong>de</strong> <strong>la</strong> marquise, il <strong>la</strong> viole. Puis, repentant, insiste pour l'épouser. La marquise, qui le considère comme<br />

son sauveur, l'éconduit avec respect. Quelque temps plus tard, elle se découvre enceinte alors qu'elle croit n'avoir<br />

eu aucune re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> son mari. Rej<strong>et</strong>ée par sa famille, outrée, elle fait passer dans le journal uoe<br />

annonce dans le journal local <strong>de</strong>mandant au père inconnu <strong>de</strong> se faire connaître: elle se déc<strong>la</strong>re décidée à l'épouser,<br />

quel qu'il soit. La marquise est épouvantée lorsque c'est le compte qui se présente <strong>de</strong>vant elle<br />

http://www.imdb.com/title/tt0074870/plotsummary<br />

129 Un incube est un démon à l'apparence masculine qui abuse <strong>de</strong>s femmes pendant leur sommeil. Assis sur <strong>la</strong><br />

poitrine <strong>de</strong> leur victime, c'est sous c<strong>et</strong>te forme <strong>de</strong> kobold que le cauchemar prend forme. <strong>Le</strong>s récits d'attaques<br />

d'incubes sont teintés d'une ambivalence à l'égard <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> <strong>la</strong> victime: tantôt p<strong>la</strong>isants, ils peuvent se<br />

transformer en cauchemar. Gert Schift, Pao<strong>la</strong> Viotto, Tout l 'œuvre peint <strong>de</strong> Füssli, Paris, F<strong>la</strong>mmarion, 1980, p. 94.<br />

130 Lajument fantôme était, dans <strong>la</strong> croyance popu<strong>la</strong>ire ang<strong>la</strong>ise, <strong>la</strong> monture sur <strong>la</strong>quelle le cauchemar cavalcadait<br />

<strong>la</strong> nuit. Ibid.<br />

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