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10.pdf - Formules

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MICHEL CALS<br />

des attendus théoriques différents, se targuent d’instaurer, au travers des<br />

ateliers, un nouveau rapport entre l’auteur, le lecteur et le texte 2 . Cette<br />

exigence, à l’œuvre d’ailleurs dans toutes les pratiques de médiation culturelle<br />

et sociale issues de 68, rejoint les expérimentations conduites sur le<br />

terrain par les thérapies issues de la Gestalt et de l’analyse transactionnelle,<br />

ainsi que de la diffusion, dans le cadre éducatif, des pédagogies alternatives<br />

qui visent des auditoires exclus ou marginalisés par l’institution (prisons,<br />

asiles, quartiers défavorisés) et dont témoignent les pratiques sociales et<br />

littéraires d’un écrivain comme François Bon 3 .<br />

Le choix même du terme d’atelier rend compte de la démarche de ses<br />

concepteurs et de ses usagers. Le signifiant, dans son acception matérielle<br />

renvoie tout autant aux métiers manuels des hommes de l’art qu’aux<br />

espaces investis par les plasticiens et les artistes. L’atelier d’écriture croise<br />

donc dans son épaisseur sémantique la double dimension de la pratique<br />

scripturale et de la sociabilité à l’œuvre dans les groupes restreints. Ainsi<br />

pour Isabelle Rossignol, il est « un faire plutôt qu’un dire 4 ». Ce qui<br />

suppose que l’écriture ne saurait être détachée de la lecture qui en est<br />

l’autre face. Et la contiguïté entre l’artisan et l’artiste sous-tendue par le<br />

terme d’atelier invite dès lors à réviser la perspective traditionnelle attachée<br />

à l’acte d’écriture et à celui de la lecture. C’est-à-dire à ne plus concevoir<br />

l’écriture et la lecture comme des activités hiérarchisées et séparées. À ne<br />

plus considérer l’écrivain comme le seul et unique créateur, détenteur<br />

de l’autorité et du sens ; et le lecteur, au rebours, comme un récepteur<br />

passif, consommateur d’un produit sur lequel, hormis l’acte de lire, il<br />

n’a aucune prise. À cesser de définir la lecture et l’écriture comme deux<br />

monades distinctes, deux solitudes radicales qui n’entrent en contact que<br />

par le truchement du texte qui établit la relation. Relation toujours à sens<br />

unique. Échange à jamais univoque qui présuppose la distance de l’espace<br />

et du temps. Communication indéfiniment différée, sans retour ni reprise,<br />

sans autre échange, quand il existe, que le courrier des lecteurs qui, loin<br />

de gommer la distance, ne fait, a contrario, que conforter la hiérarchie<br />

des positions. Telle est ainsi l’insondable solitude qui est à proprement<br />

parler la condition ontologique de l’écrivain et à laquelle répond, de façon<br />

parallèle, la solitude du lecteur — tout du moins depuis que la lecture<br />

silencieuse s’est imposée au tournant du siècle des Lumières, ainsi que l’a<br />

2 2 Bing (Élisabeth), ... Et je nagerai jusqu’à la page », éd. des Femmes, 1976., réédition<br />

1993. ; Roche (Anne), Guignet (Andrée), Voltz (Nicole), L’atelier d’écriture, Éléments pour<br />

la rédaction du texte littéraire, Dunod, 1998.<br />

3 Bon (François), Sang gris, Un atelier d’écriture à la Courneuve, Verdier, 1992. ; Tous les<br />

mots sont adultes, Méthode pour l’atelier d’écriture, Fayard, 2000.<br />

4 Rossignol (Isabelle), L’atelier d’écriture, historique, pratiques, évaluation, thèse de doctorat,<br />

Université de Provence, 1994.<br />

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