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10.pdf - Formules

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HORS DOSSIER<br />

334<br />

le passage par un code sémiologique, et un accord des instances de<br />

réception qui sont là pour valider ou non le passage proposé de A’ en<br />

représentation (idéale) de A 21 .<br />

Pour Barthes l’alexandrin même contribue au distancement brechtien,<br />

puisque le grand vers serait d’abord « un technique de distancement, de<br />

séparation volontaire du signifiant et du signifié 22 ». C’est donc à travers<br />

la forme métrique que Racine a su détourner l’exigence étouffante de<br />

la vraisemblance. La musicalité même du vers racinien a suscité cette<br />

distance, elle lui a donné la possibilité de montrer, de représenter le désordre<br />

derrière l’ordre. Et c’est exactement ce potentiel subversif que l’interprétation<br />

bourgeoise de la tragédie racinienne tente de neutraliser : les acteurs<br />

essaient d’abolir cette distance en naturalisant l’alexandrin. Mais comme<br />

Barthes l’indique à juste titre, l’essence de l’alexandrin réside justement<br />

dans cette distance. Et c’est exactement cette distance que plusieurs<br />

metteurs en scène de la fin du vingtième siècle ont incorporée dans leurs<br />

spectacles en ranimant la contrainte, en la montrant, en l’ironisant, en lui<br />

donnant une place centrale dans leur interprétation.<br />

Conclusion<br />

En combinaison avec les conventions scéniques de l’époque (par<br />

exemple : la présence des spectateurs sur scène, les décors stéréotypés qui<br />

furent tout d’abord une convention et ne référaient donc point à telle ou<br />

telle réalité) le vers racinien contribuait ainsi au développement d’une<br />

forme pré-brechtienne du théâtre épique en établissant une distance qui<br />

rompait d’une manière subtile avec l’exigence de vraisemblance. Avec l’aide<br />

d’une « technique de distancement » (Barthes) l’ensemble des contraintes<br />

textuelles et visuelles a fait prendre conscience aux spectateurs du setting<br />

théâtral et a ainsi contribué à un procédé artistique qu’on retrouve dans<br />

plusieurs types de théâtre oriental comme le Nô. En même temps le<br />

théâtre se développait jusqu’à devenir l’événement social par excellence,<br />

un mode de communication qui avaient des implications immédiates et<br />

réelles pour les acteurs et pour le public. La contrainte prosodique faisait<br />

bien sûr partie de ce processus, indépendamment de la question si elle se<br />

trouvait du côté de la production (écriture à contraintes) ou de la réception<br />

(lecture à contraintes). Simultanément la représentation scénique était en<br />

21 Christian Biet, « L’avenir des illusions ou le théâtre et l’illusion perdue » in Littératures<br />

classiques, « L’illusion au XVII e siècle », dir. P. Dandrey et G. Forestier, n° 44, Champion,<br />

hiver 2002, p. 188. Voire aussi Christian Biet, « De l’épique au dramatique : la tragédie<br />

en France entre politique, Histoire, amour et spectacle (XVII e -XVIII e siècles) » in Corinne<br />

Hoogaert (dir.), Rhétoriques de la tragédie, « L’interrogation philosophique », PUF, Paris,<br />

2003, pp. 131-157.<br />

22 Barthes, Sur Racine, note p. 138.

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