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ÉLISABETH LAVAULT<br />

Ce conte met en œuvre la contrainte oulipienne, « x prend y pour<br />

z », « anoulipisme 7 » explicité en 1966 dans La Littérature potentielle 8<br />

par Raymond Queneau qui l’applique par exemple à une situation de<br />

vaudeville, en l’illustrant par Amphitryon. Georges Perec a systématisé<br />

cette contrainte 9 et rend hommage à Jacques Roubaud qui, selon lui, en<br />

a « développé la forme la plus raffinée » dans La Princesse Hoppy où la<br />

contrainte est transformée en « x complote avec y contre z », se combinant<br />

avec « x fait de la compote avec y pour z ». Dans l’Atlas de littérature potentielle<br />

cette contrainte est présentée comme exemple de structures combinatoires<br />

et est classée dans les Spirales. Or on connaît l’intérêt de Jacques<br />

Roubaud pour la spirale, illustrée par celle de la sextine dans tous ses types<br />

d’œuvres, ce qui autorise à considérer ce conte comme un « essai » dans<br />

une catégorie qui lui est chère.<br />

Comme dans chacune de ses œuvres, Jacques Roubaud donne de<br />

l’épaisseur au réel par la multiplication des possibles. Déjà se manifeste<br />

la volonté de commenter l’écriture et surtout de ne pas lui conférer<br />

de caractère gratuit. « Ce que le conte dit trois fois est vrai » : l’assertion<br />

numérale confère vérité au conte. Roubaud énonce ce qui sera un principe<br />

des romans d’Hortense : un jeu mathématique incongru, l’épuisement d’une<br />

situation et la réutilisation de formes littéraires, d’autant plus qu’il parodie<br />

une citation de La Chasse au Snark de Lewis Caroll. En 2001 il a donné<br />

dans « Généalogie d’un conte sous contrainte 10 » des explications tardives et<br />

du reste fort lacunaires. « Faut garder le mystère », a-t-il coutume de dire à<br />

propos des contraintes que l’Oulipo s’impose et qu’il s’impose lui-même 11 .<br />

Il confirme que le conte ne dit pas les choses « clairement 12 ».<br />

L’hypothèse expérimentée avec l’étude rapide de ce conte consiste à<br />

montrer qu’un même type d’ensembles de contraintes régit les œuvres<br />

en prose de Jacques Roubaud : à savoir une contrainte formelle globale<br />

apparentée à la spirale et appuyée sur des contraintes numérales qui<br />

semblent gratuites au premier abord mais dont la présence s’inscrit<br />

fortement dans les préoccupations quasi obsessionnelles de l’auteur. Le<br />

texte est entièrement signifiant, en ce sens que même la typographie joue<br />

un rôle particulier. Les explications postérieures de Jacques Roubaud<br />

7 C.-à-d. une nouvelle analyse des œuvres du passé.<br />

8 OULIPO, La Littérature potentielle (Créations Re-créations Récréations), Gallimard, coll.<br />

« Idées », 1973, p. 62-65.<br />

9 OULIPO, Atlas de littérature potentielle, Gallimard, 1981, rééd. coll. « Folio Essais »,<br />

1988, p. 174-179.<br />

10 In Un art simple et tout d’exécution, cinq leçons sur l’Oulipo (avec Marcel Bénabou, Jacques<br />

Jouet, Harry Mathews), Circé, 2001, p. 119-125.<br />

11 Poésie etcetera : ménage, Stock, coll. « Versus », 1995, p. 219.<br />

12 « Généalogie d’un conte sous contrainte », art. cit., p. 123.<br />

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