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10.pdf - Formules

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HORS DOSSIER<br />

Un art de mémoire<br />

Un quatrième aspect mémoriel s’inscrit dans ce conte, que l’on peut<br />

voir comme un rappel du schéma de l’art de la mémoire de Pirano<br />

présenté par Roubaud dans L’Invention du fils de Leoprepes 54 . Selon Pirano,<br />

le schéma de l’art de mémoire s’organise par la division d’un carré en huit<br />

sections : aux points d’intersection des droites se dressent neuf tours,<br />

dont huit sont les extensions de la tour centrale, « Reposoir de Lieux et<br />

d’Idées-images avec ses itinéraires prescrits ». Or, Roubaud fait remarquer<br />

que chaque tour est éclairée par deux soleils, la mémoire s’étendant en<br />

avant et en arrière suivant ses théories sur ses modalités. Mis sur cette<br />

piste, nous pourrions inférer que les quatre tours d’angle du château de<br />

la princesse correspondent (par le biais de l’impératif du quatre) aux huit<br />

tours de Pirano, d’autant plus que le soleil peut aussi bien se lever à l’ouest<br />

qu’au nord, organisant à sa guise les quatre points cardinaux. Il pourrait<br />

donc s’agir d’un pastiche d’un théâtre de mémoire, tout en se construisant<br />

sur l’impératif du quatre cher aux Indiens Navahos. L’écriture du conte<br />

révèle donc, sous couvert des contraintes numériques, les préoccupations<br />

constantes de l’auteur.<br />

Jeu d’écriture<br />

Contrainte, mathématisée, mémorielle, la prose répond toujours chez<br />

Roubaud à des conditions particulières. Ici le narrateur disparaît derrière<br />

la narration, proposant plusieurs solutions pour désigner l’instance auctoriale<br />

: la première serait le conte lui-même, qui se crée en disant. Le conte<br />

« rappelle que », le conte « dit que », autant de formules métadiégétiques<br />

qui permettent un effacement de l’auteur derrière un narrateur intemporel,<br />

sorte d’aède qui se contente de rapporter un « contenu », sans faire<br />

mine d’intervenir : « Celui qui raconte, c’est le conte 55 ».<br />

Au contraire, dans La Belle Hortense, Jacques Roubaud revendiquera<br />

sa fonction d’auteur et s’opposera fortement à l’impudence intrusive du<br />

Narrateur. Ici, le conte (ou comte) conte, dit le conte et conte un compte<br />

(et vice versa). Le lecteur est convié à donner son avis sur l’expression<br />

dilatoire du problème des « poutous du soir » : « Mais alors où est le<br />

problème, direz-vous, le problème du poutou dont le conte nous bassine<br />

les oreilles depuis un moment 56 ». L’expression « nous bassine les oreilles »<br />

confirme l’oralité du conte tandis que la ponctuation très particulière<br />

suggère le débit d’un conteur.<br />

54 L’Invention du fils de Leoprepes, poésie et mémoire (Invention), Saulxures : Circé, 1993,<br />

p. 65-72.<br />

55 La Princesse Hoppy, chapitre 1, « Indications sur ce que dit le conte », 1, p. 29.<br />

56 Ibid., chapitre 4, 6, p. 43.<br />

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