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10.pdf - Formules

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ELVIRA MONIKA LASKOWSKI-CAUJOLLE<br />

ou poétique de l’amour, le héros de Bénabou conçoit l’amour comme<br />

une forme d’art, inséparable de la poésie. Pour lui, la déclaration d’amour<br />

convenable, qui suit les contraintes formelles et poétiques de l’amour<br />

courtois, est plus importante que l’action d’aimer. Ainsi, Écrire sur Tamara<br />

devrait être lu « écrire sur Tamara » — plutôt qu’« écrire sur Tamara ». Ce<br />

qui paraissait une histoire d’amour pour la femme adorée se révèle comme<br />

histoire d’amour pour des mots, pour l’écriture. L’amour pour Tamara<br />

et l’amour pour la langue deviennent synonymes. Tamara devient une<br />

allégorie de la littérature. Écrire sur Tamara c’est Écrire sur la littérature.<br />

Il n’est pas surprenant que ce soit dans un texte que Manuel voit le<br />

moyen de trouver quelqu’un/quelque chose qui pourrait jouer pour lui le<br />

rôle de Gallehaut : « Où allais-je le trouver, ce texte qui serait capable de<br />

nous servir de révélateur, de médiateur, pour nous mener, comme Paolo<br />

et Francesca, jusqu’au baiser, et au-delà 14 ? » Manuel ne trouve pas de<br />

médiateur. Il ne lui reste qu’à écrire lui-même un tel poème, ce dont il sera<br />

pourtant incapable.<br />

Le jeune héros, bloqué par « son incertitude quant aux sentiments<br />

de Tamara 15 » (sentiments dont le lecteur ne sait rien non plus), aspire à<br />

l’inaccessible : à Tamara — et, au niveau textuel, après la mort inattendue<br />

de sa bien-aimée, à l’écriture sur Tamara. En ce qui concerne Tamara,<br />

Manuel s’en rend compte au dernier chapitre (qui est le dernier de son<br />

roman ainsi que de celui de Bénabou) quand il se pose la question :<br />

Et si Tamara n’était apparue que pour figurer, aux yeux de tous ceux<br />

qui l’avaient approchée, l’idéal, autour duquel on rôde sans pouvoir<br />

l’atteindre ? Ou bien encore l’absolu, dont on s’approche sans pouvoir<br />

le posséder 16 ?<br />

Auteur oulipien, Bénabou combine les méthodes de l’intertextualité,<br />

qui joue un rôle remarquable dans toutes ses œuvres, avec des contraintes<br />

littéraires de l’anoulipisme.<br />

Nous proposons d’établir un parallèle entre le roman de Bénabou<br />

et l’œuvre de Maurice Scève, Délie — Object de plus haulte vertu, écrit<br />

en 1544, qui semble particulièrement avoir inspiré l’auteur oulipien<br />

sur ce point 17 . L’influence de Scève sur Bénabou se manifeste surtout à<br />

travers l’histoire sentimentale du héros masculin. Comme dans Écrire sur<br />

Tamara, l’amour du je narratif de Scève pour la femme adorée sert comme<br />

métaphore : ici le désir pour Délie, anagramme de l’idée, est une métaphore<br />

14 Écrire sur Tamara, op. cit., 212.<br />

15 Ibid. 207.<br />

16 Ibid. 266.<br />

17 Les textes qui ont eu une influence sur l’écriture de Bénabou sont trop nombreux pour<br />

les considérer tous.<br />

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