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10.pdf - Formules

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KAREL VANHAESEBROUCK<br />

Éléments de métrique française que Racine fait fréquemment usage du rejet<br />

qu’il décrit comme « un procédé rythmique selon lequel un élément verbal<br />

bref, placé au début d’un vers ou d’un hémistiche, se trouve étroitement<br />

lié par la construction au vers ou à l’hémistiche précédent, et prend par sa<br />

position une valeur particulière 16 . » En établissant une discordance entre<br />

le contenu et la structure métrique Racine arrive à accentuer les énoncées<br />

tragiques des personnages. Dans les dérogations mêmes réside l’essence<br />

de la tragédie racinienne. L’usage spécifique d’irrégularité rythmique<br />

(dont le rejet n’est qu’un exemple) pourrait ainsi être considéré comme<br />

une utilisation illustrative, voire rhétorique d’infractions normatives : à<br />

travers la forme, l’écrivain souligne ainsi un contenu qui déroge aussi bien<br />

du norme. Décrire ces dérogations comme dynamiques et donc comme<br />

contraintes serait excessif. Leur usage est d’abord stylistique et ne semble<br />

pas générer de nouvelles tournures thématiques au sein de la tragédie.<br />

D’une façon analogue, on doit conclure aussi que la structure de la<br />

tragédie classique ne fonctionne pas comme une contrainte structurelle.<br />

Inversement la façon selon laquelle Racine essaie de mettre à nu, puis<br />

d’explorer, enfin de casser les normes aristotéliciennes, pourrait être décrite<br />

comme une contrainte telle que Schiavetta la définit. En questionnant par<br />

ailleurs ces normes de composition Racine en a fait quand même — peutêtre<br />

sans vraiment le savoir et dans une mesure très modeste — des<br />

contraintes puisqu’elles deviennent ainsi moins évidentes et universelles<br />

qu’avant. En suivant cette même logique on pourrait ainsi conclure que la<br />

contrainte même serait à la base du tragique racinien, puisque le tragique<br />

se cristallise explicitement dans ces tragédies exactement en ce qu’il rompt<br />

la structure stéréotype en mettant — entre autres — la crise au début<br />

de la tragédie. La dérogation de la norme de la composition aurait alors<br />

une double fonction : premièrement elle fonctionne au sein de l’œuvre<br />

tragique de Racine en tant que contrainte dans le sens oulipien (pour<br />

faire « du Racine », Racine décide de commencer chaque tragédie par la<br />

crise contrairement à la tragédie non-racinienne qui plaçait la crise vers<br />

la fin de la pièce), deuxièmement elle rend possible la résurrection d’une<br />

contrainte « morte » en la rendant de nouveau visible et ainsi, de nouveau<br />

fonctionnelle (après Racine, on « voit » mieux comment les tragédies nonraciniennes<br />

étaient faites).<br />

16 Jean Mazaleyrat, Eléments de métrique française, Armand Colin, Paris, 2004 (8), p. 119<br />

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