point l'exemption 264 ». Fort de ce lieu commun pour l'époque, l'article de l'abbé Rémy surl'exemption relève que la France ne l'a jamais autorisée, mais seulement tolérée. De son côté,le procureur parisien Denisart est plus ouvertement gallican. L'autorité de l'évêque sur lesabbayes remonte pour lui dès l'origine. Cette dépendance est même le fondement de leurrégularité. Le rôle du roi est de plus inévitable, car « il n'est pas permis, sans son aveu, derenverser l'ordre et la discipline ecclésiastiques 265 », comme l'ordonne l'article 71 des Libertésgallicanes 266 . Durand de Maillane s'intéresse plus particulièrement à la disparition de l'exemption qui lui tient à cœur. L'immunité cesse à la suite d'abus, du changement descirconstances d'origine ou en raison des dommages dus à son exercice normal, ce que lescanonistes résument sous le règle indultum tollit contemptus, crimen, abusus, oppositumfactum, damnum, tempus variatum 267 . Les commissaires sont certainement des utilisateurs deces ouvrages. Les religieux doivent donc convaincre leurs adversaires sur le terrain séculier.b) La prescription du pouvoir de juridiction de l'évêqueLe droit romain définit la possession comme un état de fait qui a des conséquencesjuridiques. D'après les jurisconsultes classiques, pour qu'il y ait possession juridique, il fautdeux éléments : un élément matériel, une maîtrise de fait sur la chose, appelée corpus, et unélément intentionnel, l'animus, qui décide d'agir en maître sur la chose. La possession sedistingue donc subtilement du droit de propriété. La définition romaine est transposée dans ledroit canonique. Ainsi la notion de possession est-elle étendue aux bénéfices 268 ou au droitd'élire l'évêque 269 . Les canonistes reconnaissent que les religieux peuvent prescrire les droitsutiles de l'ordinaire, telle la dîme, mais non sa juridiction, ce que dément Boniface VIII, pourqui la possession légitime et paisible suffit pour acquérir l'exemption 270 . Les canons del'Eglise ne traitent par ailleurs de la question qu'à raison de cas particuliers. Le contextereconnaît donc aux réguliers le droit de prescrire contre les prélats. Pour autant, en matière dejuridiction, la question reste controversée.A la suite de la possession, largement accordée aux religieux, la prescription fournit letitre qui fait défaut sur la chose possédée. Les conditions posées par le droit canon divergent264 Ibid.265 DENISART (J.-B.), Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, art.« Exemption », t. 2, pp. 281-283.266 Ibid.267 DURAND DE MAILLANE, Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale conféré avec lesmaximes de la France, art. « Exemption ».268 DDC, art. « Possession en droit canonique », t. 7, col. 44.269 GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, art.« Prescription ».270 DURAND DE MAILLANE, Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale conféré avec lesmaximes de la France, art. « Exemption ».68
du droit civil en deux points. En matière de bonne foi le quatrième concile du Latran 271 larequiert continue et persistante de la part du possesseur, alors que le droit romain se contented'une bonne foi au seul moment de la prise de possession. En France la plupart des pays decoutumes suivent le droit canonique sur ce point, comme l'illustre Pothier dans son Traité dela prescription. Par ailleurs le délai de prescription des biens d'Eglise est plus long que ceprévoit le droit romain. L'empereur Anastase institue en effet une durée de quarante ans 272pour le commun des Eglises. Cette disposition est reçue dans les canons. Au XIV° siècle cedélai prévaut dans les cours séculières françaises 273 . Jacques d'Ableiges le rappelle dans sonGrand Coutumier (II, 8). Au XVIII° siècle, dans son Traité de la prescription, Pothierreconnaît que la règle est de droit commun « tant dans le pays de droit écrit que dans le payscoutumier ».Les normes du droit canonique sont reçues dans tous les manuels de jurisprudencefrançais du XVIII° siècle. Si les auteurs en acceptent les règles, ils refusent de les appliquer ausujet de l'exemption : « il ne suffit pas de mettre en avant pour les exemptions leurprescription, car le texte requiert expressément un titre 2<strong>74</strong> ». C'est pourtant la stratégie desreligieux d'employer tous les ressorts de la prescription canonique. Ils s'appuient notammentsur Fagnan 275 ; pour ce canoniste, tout ce que possèdent les évêques est sujet aux lois de laprescription, sauf ce qui concerne l'Ordre et le caractère épiscopal. L'exemption est-elleattentatoire au caractère épiscopal ? Les réguliers répondent par la négative : « les abbayesjoignent à ces titres une possession constante depuis l'époque de leur fondation jusqu'àprésent 276 ». Pour preuves elles ne bénéficient pas seulement d'une jouissance paisible et sanstrouble de l'exemption, ainsi que du non exercice par l'évêque de sa juridiction. Ellesdisposent en effet de nombreux actes positifs renforcés par l'exercice public de leursprivilèges. Par exemple Saint-Bertin impose à l'évêque le consentement des religieux àl'occasion de ses visites et séjours en 1313, 1411, ou encore 1446. Les réguliers de Saint-Waast jouissent pour leur part d'un arrêt du Grand Conseil de 1696 qui maintient les abbés enpossession des droits d'exemption au sujet d'une église convoitée par l'ordinaire. Dans leursdémonstrations, les moines appliquent par conséquent directement les règles de la prescription271 En 1215, au chapitre 41.272 Jusqu’en 491 la prescription était de 30 ans en l’absence de titres.273 DDC, art. « Possession en droit canonique », t. 7, col. 44.2<strong>74</strong> . La citation est du juriste Capel. Elle est citée par Guyot (voir GUYOT, Répertoire universel et raisonné dejurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, art. « Exemption en matière ecclésiastique ».) quireprend en fait les Mémoires du clergé (t. 6, p. 95).275 A.D.N. placards 8340 pièce 6, Mémoire et consultation sur la question de savoir quel est le pouvoir etl’autorité des évêques sur les abbayes régulières de l’ordre de saint Benoît, soumises à leur juridiction, dans lesprovinces de Flandres, 1773, p. 45.276 A.D.N. placards 8340 pièce 7, Précis pour la congrégation des abbayes exemptes de Flandres, 1775, 26 p.69
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