Actes - Perspectives étudiantes féministes - Les Études féministes ...
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Dans son élaboration théorique, Chion propose le terme de « vococentrisme »<br />
pour décrire l’attrait de la voix humaine dans la hiérarchie des sons. Une fois de plus,<br />
il fait ici référence aux femmes :<br />
Il y a les voix, et tout le reste. Autrement dit, dans n’importe quel magma sonore, la présence de<br />
la voix humaine hiérarchise la perception autour d’elle. […]<br />
Paroles, cris, soupirs ou chuchotements, la voix hiérarchise tout autour d’elle et, de la même<br />
façon que la mère s’éveille quand les pleurs lointains de son enfant dérangent le bruit habituel<br />
– souvent plus intense – de la nuit, c’est, dans le torrent des sons, d’abord vers cet autre<br />
nousmême qu’est la voix d’un autre que se dirige notre attention. Appelons ça, si vous voulez,<br />
vococentrisme. Naturellement vococentriste est l’écoute humaine, et par force, le cinéma parlant<br />
luimême, dans sa grande majorité (Chion 1993 : 1819).<br />
En 1988, la théoricienne américaine Kaja Silverman publie The Acoustic Miror:<br />
The Female Voice in Psychoanalysis and Cinema où elle aborde le rôle de la voix<br />
féminine au cinéma à partir des théories <strong>féministes</strong>, des théories filmiques<br />
(notamment celles retrouvées dans l’ouvrage de Chion) et de la psychanalyse (surtout<br />
selon les écrits de Sigmund Freud et de Julia Kristeva). Silverman désapprouve que<br />
les théories <strong>féministes</strong> sur le cinéma se soient surtout intéressées à la bandeimage et<br />
affirme que, finalement, la voix féminine s’inscrit, elle aussi, dans des représentations<br />
normatives associées à son corps (Silverman 1988 : viii). La bandeimage avait déjà<br />
été un objet très étudié, et on savait que dans le cinéma classique, elle participait à<br />
replacer la femme en tant qu’objet de désir au profit du regard masculin. Silverman<br />
remarque que, dans le cinéma classique, la voix est davantage synchronisée avec le<br />
corps chez les femmes que chez les hommes. De plus, les hommes sont surreprésentés<br />
par rapport aux femmes dans le cas de narrations extradiégétiques (le rôle d’un<br />
« narrateurdieu »). <strong>Les</strong> femmes, quant à elles, seraient constamment réduites à leur<br />
corps présenté et magnifié à l’écran. À son extrême, Silverman semble considérer le<br />
cinéma classique hollywoodien comme un affrontement entre la voix masculine<br />
<strong>Actes</strong> – <strong>Perspectives</strong> <strong>étudiantes</strong> <strong>féministes</strong> 167