Actes - Perspectives étudiantes féministes - Les Études féministes ...
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désincarnée (ou décorporalisée) et la voix féminine synchrone (ou simultanée), qui<br />
est, elle, associée au corps 3 .<br />
Armés de ces quelques notions, tout en ayant recours à d’autres, j’analyse<br />
maintenant la voix féminine dans Maman est chez le coiffeur. Bien que les autres<br />
films, notamment C’est pas moi, je le jure!, méritent aussi une telle analyse, je préfère<br />
me limiter à un seul film dans le cadre de cet article afin d’éviter ici le jeu<br />
des comparaisons.<br />
5. La voix féminine dans Maman est chez le coiffeur<br />
Maman est chez le coiffeur est, parmi les trois films à l’étude, celui qui se prête le<br />
mieux à une analyse de la voix féminine, à la fois parce que la voix est partagée par<br />
deux personnages importants, Élise et Simone, mais aussi parce que ce qu’elles disent<br />
est transmis sur une multitude de supports (lettre, carte postale, téléphone,<br />
télévision…) tout en étant décliné sous de nombreuses formes (paroles, chansons,<br />
cri, pleurs, rires…), offrant un éventail de voix et de voies à l’expression féminine 4 .<br />
3 Le « miroir acoustique » du titre serait la voix maternelle grâce à laquelle l’enfant « s’entend<br />
luimême » : « […] the maternal voice plays a major role in the infant’s perceptual development.<br />
It is generally the first object not only to be isolated, but to be introjected […] the foundations<br />
for what will later function as identity are marked out by these primitive encounters with the<br />
outer world, encounters which occur along the axis of the mother’s voice. Since the child’s<br />
economy is organized around incorporation, and since what is incorporated is the auditory field<br />
articulated by the maternal voice, the child could be said to hear itself initially through that voice<br />
– to first “recognize” itself in the vocal ‘mirror’ supplied by the mother », (Silverman 1988 : 80).<br />
En d’autres mots, « non seulement estce dans le visage de sa mère que l’enfant se voit en premier,<br />
mais la voix de la mère est le miroir acoustique dans lequel il s’entend pour la première fois »<br />
(Notre traduction de « Not only is her face the visual mirror in which the child first sees itself, but<br />
her voice is the acoustic mirror in which it first hears itself »), (Silverman 1988 : 150).<br />
4 Je n’aborderai que très peu le rôle du père d’Élise dans l’environnement sonore, et c’est une<br />
injustice parce que ses interventions sont presque aussi riches que celles de Simone. Cet homme,<br />
qui multiplie les chansons (pour endormir son plus jeune fils ou pour égayer une ballade en<br />
voiture), les proverbes (véritables ritournelles déclinées sur un ton réglé) et les cris (que j’aborderai<br />
dans le texte), occupe lui aussi un registre sonore intéressant. C’est d’ailleurs lorsqu’il prononce les<br />
mots « Elle est partie », à propos de Simone, que les enfants semblent vraiment réaliser la gravité<br />
de leur état. Même s’ils semblaient comprendre que leur mère était partie pour longtemps, ce n’est<br />
que lorsque leur père prononce ces mots que les enfants prennent la pleine mesure de la situation.<br />
<strong>Actes</strong> – <strong>Perspectives</strong> <strong>étudiantes</strong> <strong>féministes</strong> 168