Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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25<br />
La concurrence entre bailleurs et le jeu subtil du pouvoir central pour éviter les contraintes<br />
qu’ils tentent d’imposer constituent une deuxième raison explicative, elle aussi très banale, de<br />
cette inefficacité. Sur ce terrain il est vrai, le <strong>Cambodge</strong> peut être considéré comme une<br />
caricature, tous les donateurs bilatéraux et multilatéraux étant présents dans le pays, pour des<br />
sommes relativement importantes 75 . Les exemples sont nombreux de ces incohérences entre<br />
les demandes des uns et des autres, les décalages temporels dans l’usage de la pression et du<br />
laxisme, les compensations financières et les aides circonstanciées. Dans le cas des<br />
concessions forestières par exemple, la pression internationale des années 1990<br />
(essentiellement de la part de l’Etat américain, des institutions de Bretton Woods et des ONG<br />
comme Global Witness) fut assez forte et persuasive pour que les Thaïlandais acceptent de<br />
fermer leur frontière en 1995 et pour que le FMI suspende un prêt à l’Etat cambodgien en<br />
1996. Mais simultanément, le gouvernement japonais, par un hasard tout à fait éloquent,<br />
octroya cette même année un prêt d’un montant équivalent aux Cambodgiens 76 … Depuis lors,<br />
des groupes consultatifs et de coordination entre bailleurs de fonds ont été mis en place mais,<br />
en 2004, la réalité de cette organisation planifiée et synchronisée des réformes, des aides et<br />
des déboursements restait encore aléatoire 77 pour d’évidentes raisons d’influence.<br />
Une troisième raison de cette inefficacité relative relève de la myopie des bailleurs de fonds.<br />
Celle-ci se mesure notamment à l’aune des critères d’évaluation et de décaissement de l’aide.<br />
Dans le contexte idéologique actuel, ladite communauté internationale semble largement<br />
rassurée lorsque croissance, libéralisation et privatisation sont au rendez-vous 78 . Mais que<br />
signifient ces processus dans tel ou tel contexte ? Par <strong>quel</strong>s moyens ont-ils été obtenus ?<br />
Quelle est leur réalité ? Quelles compréhensions politiques en ont les acteurs locaux ? Ces<br />
interrogations sont largement occultées. Les donateurs n’ont pas voulu prendre en compte les<br />
nécessaires significations politiques de la libéralisation économique et de la privatisation, qui<br />
se sont déroulées dans un moment politique très spécifique, simultanément caractérisé par la<br />
75<br />
En 10 ans (1992-2002), plus de 4 milliards de dollars ont contribué au développement du pays, pour 50% en<br />
forme de dons et pour 50% en prêts à taux préférentiels. La contribution des bailleurs reste importante puisque<br />
l’aide s’élevait encore à 635,7 millions de dollars en 2002 et à 550 millions de dollars en 2003.<br />
76<br />
P. Le Billon, « Logging in Muddy Waters… », art.cité<br />
77<br />
<strong>Cambodge</strong> Actualités, Mission économique et financière, Ambassade de France à Phnom Penh, juillet-août<br />
2004<br />
78<br />
Une étude de la Banque mondiale sur le secteur privé en fournit une magnifique illustration. Le rapport trouve<br />
« very real reasons for optimism about Cambodia’s current picture » parce que beaucoup de lois et de politiques<br />
libérales et « pro marché » sont mises en place, que le gouvernement est « pro business » et que le sens de la<br />
stabilité politique à long terme devrait attirer les investissements ! Mais l’argument majeur est que « it is notable<br />
that, with exception of Thailand, Cambodia is in fact the first nation in the Mekong region to officially commit<br />
itself fully to a free market system ». Leila Webster and Don Boring, The Private Manufacturing Sector in<br />
Cambodia: a Survey of 63 Firms, MPDF, Private Sector Discussion Paper n°11, November 2000, p.7.