Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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l’importance des oublis et des imprécisions, moins d’un tiers des concessions auraient été<br />
cédées à des Cambodgiens. Par ailleurs, Global Witness considère que les étrangers ont fait<br />
l’objet d’une attention particulière de la part du gouvernement : en 1996, 21% de l’ensemble<br />
du territoire auraient été concédés à des compagnies forestières étrangères et 10%<br />
supplémentaires auraient été en cours de négociation à cette date 117 . Les informations plus<br />
précises fournies pour les concessions économiques confirment cette analyse : seuls 15% des<br />
concessions agricoles ont été octroyées à des Cambodgiens, la plupart des étrangers étant des<br />
Chinois et des Taïwanais, plus marginalement des Malaisiens et des Sud-Coréens 118 . Ce<br />
recours à des <strong>concessionnaire</strong>s étrangers ne constitue pas un choix de dépolitisation, bien au<br />
contraire. Tous utilisent des contrats de sous-traitance avec des compagnies et des sociétés<br />
cambodgiennes pour l’approvisionnement et le fonctionnement des scieries, pour le<br />
recrutement de la main d’œuvre, pour l’accès aux marchés d’exportation légaux et surtout<br />
illégaux 119 . Ces sous-traitants sont nécessairement des individus ou des groupes<br />
particulièrement bien intégrés politiquement, souvent des commandants militaires qui<br />
œuvrent à titre individuel ou au profit de leur unité, souvent aussi des membres de l’élite<br />
locale et provinciale, souvent encore avec des proches du Premier ministre ou d’autres<br />
représentants éminents du pouvoir central. Parmi les intermédiaires attitrés, on note la<br />
présence d’un cousin de Hun Sen, du beau-frère du ministre de l’Agriculture qui est aussi le<br />
beau-père du directeur général de la direction du contrôle des forêts et sous-contractant de<br />
nombreuses compagnies, des proches du général Kun Kim, Heng Samrin, Sar Kheng et Chan<br />
Sarun, ministre de l’Agriculture, un directeur général d’entreprise, ancien Khmer Rouge<br />
rallié 120 . L’instrumentalité des <strong>concessionnaire</strong>s étrangers a été particulièrement bien illustrée<br />
ces dernières années, avec les semblants de lutte contre la fraude et les coupes illégales. Les<br />
opérations menées pour répondre aux pressions internationales ont surtout été orientées vers<br />
les petits exploitants, permettant un renforcement des processus de centralisation et<br />
d’extraversion 121 : les grandes entreprises étrangères ont en effet l’avantage de présenter une<br />
façade de respectabilité et de légalité, même si leurs pratiques de sous-traitance les amènent à<br />
travailler avec des entreprises locales fonctionnant principalement dans l’illégalité. Par<br />
ailleurs, les concessions ont été un puissant instrument de consolidation des alliances<br />
régionales entre élites, entre réseaux militaires, politiques et affairistes. Pour d’évidentes<br />
117<br />
Rapport Global Witness, Corruption, War & Forest Policy… op.cit.<br />
118<br />
Calculs personnels à partir de l’annexe 3 du rapport United Nations, Land Concessions for Economic<br />
Purposes in Cambodia op.cit.<br />
119<br />
The Forest Sector in Cambodia...op.cit.<br />
120<br />
Source: Entretien, Phnom Penh, octobre 2004 et Global Witness, Taking a Cut… op.cit.<br />
121 Ibidem