Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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La pêche connaît en revanche une forme plus classique de concession, la rupture avec<br />
l’histoire coloniale, voire précoloniale, ayant été moins brutale 184 . Historiquement, les<br />
concessions existent en effet dans ce secteur dès la seconde moitié du 19 ème siècle ; elles<br />
étaient octroyées à des investisseurs, souvent des commerçants chinois, qui faisaient appel à la<br />
sous-traitance et réalisait ainsi un partage de la rente poissonnière entre de nombreux<br />
intermédiaires. Avec le Protectorat français, tout comme aujourd’hui avec la présence massive<br />
des donateurs, un processus de rationalisation fut entamé pour accroître les revenus<br />
effectivement perçus par l’administration coloniale. En 1975 toutes les réglementations et les<br />
organisations antérieures furent supprimées, puis le <strong>modèle</strong> <strong>concessionnaire</strong> fut remplacé en<br />
1979 par un système de pêches collectives organisé autour de groupes de solidarité.<br />
Cependant, des quotas furent octroyés dès cette époque à de hauts fonctionnaires et à des<br />
militaires, préludes au retour des concessions. Dès la fin des années 1980, dans l’espoir de<br />
remplir les caisses de l’Etat, celles-ci furent réofficialisées sous la forme de contrats à deux<br />
ans vendus aux enchères dans les zones les plus poissonneuses du pays. Elles furent<br />
transformées en 1999 en concessions (ou lots) de quatre ans octroyées par la procédure du gré<br />
à gré puis interdites par la réforme de 2001 en raison de l’importance des conflits entre les<br />
<strong>concessionnaire</strong>s d’une part, les pêcheurs individuels et les agriculteurs, notamment les<br />
producteurs de riz, de l’autre. Depuis la fin des années 1990, les bailleurs de fonds tentent de<br />
contrer les processus d’accaparement, d’accroissement des inégalités et de tensions entre les<br />
populations et les acteurs les plus puissants du secteur en promouvant une organisation<br />
centrée sur les communautés de pêcheurs. Dans les faits cependant, les tendances mises en<br />
évidence à propos du bois sont également perceptibles dans la pêche : les anciens lots sont<br />
toujours en activité et il semble que les autorités locales, les militaires et les <strong>concessionnaire</strong>s<br />
n’appliquent pas les nouvelles règles ; les rapports de pouvoir ne sont pas en faveur des<br />
communautés de pêcheurs qui se heurtent aux pratiques coercitives et prédatrices des autorités<br />
politiques et militaires locales et qui sont le plus souvent manipulées, ou du moins influencées<br />
et largement contrôlées par des membres appartenant au PPC ; la sous-traitance se développe,<br />
anéantissant de facto la politique anti-<strong>concessionnaire</strong> puisque les pêcheurs individuels ou<br />
organisés en communauté finissent par travailler massivement pour des tiers. Si elle est moins<br />
puissante et visible que dans la forêt, la production d’inégalité est bien réelle dans la pêche,<br />
les autorités du gouvernorat et les politiques locaux jouant un rôle important dans le secteur à<br />
184 Toutes les informations de ce paragraphe sont issues de Bruce McKenney and Prom Tola, Natural Resources<br />
and Rural Livelihoods in Cambodia… op.cit., pp.47-72 ainsi que des entretiens à Sihanoukville et à Prey Nup,<br />
octobre 2004.