Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi les différentes parties prenantes à la gestion forestière<br />
ont-elles pris tant de temps pour juger de cet « échec » ? L’analyse critique du système<br />
forestier entend suggérer l’importance des rationalités politiques et sociales des concessions et<br />
par là même les contresens d’une vision économique et technique de celles-ci. Le mode de<br />
gouvernement très spécifique sous-jacent au système cambodgien de gestion des ressources<br />
naturelles ressortit de la problématique générale de la privatisation de l’Etat, avec ses effets de<br />
délégation et de gestion adroite de l’extraversion par un ensemble d’intermédiaires agréés,<br />
mais aussi avec ses processus de concentration et de consolidation du pouvoir central, à<br />
commencer par celui du Premier ministre Hun Sen. La généralisation de ce système de<br />
gouvernement, inauguré et développé dans l’activité forestière, fait ainsi apparaître le <strong>modèle</strong><br />
<strong>concessionnaire</strong> comme la forme dominante de l’économie politique post conflit au<br />
<strong>Cambodge</strong>, avec sa part de violence et de production de l’inégalité sociale.<br />
Les rationalités théoriques de la concession<br />
Les concessions n’ont pas été imposées au <strong>Cambodge</strong> par les bailleurs de fonds. Ces derniers<br />
n’ont fait, à partir des années 1990, que tenter d’en rationaliser une application peu orthodoxe,<br />
c’est-à-dire sans règles économiques et financières, en place depuis les années 1980. Les<br />
termes des interventions continues des donateurs ont toujours été extrêmement classiques,<br />
l’objet principal de cette rationalisation étant d’accroître les revenus de l’Etat et de permettre<br />
le financement du développement, de favoriser une gestion durable de la forêt, d’opter pour<br />
l’exportation et la qualité et de mettre un terme à l’ « anarchie » ambiante 4 .<br />
Le système des concessions labellisé comme tel s’est développé à partir de 1994 : en six ans<br />
(1994-1999) plus de 30 concessions ont ainsi été octroyées en bonne et due forme, avec<br />
signature de contrats et contrôle des autorités de tutelle, représentant 6,5 millions d’hectares,<br />
soit un tiers du pays et la moitié des zones forestières 5 . A travers un partenariat public/privé,<br />
c’est-à-dire une délégation du pouvoir de gestion aux entreprises privées, l’objectif de cette<br />
mise en conformité du <strong>modèle</strong> <strong>concessionnaire</strong> était d’extraire de façon suffisamment<br />
planifiée des revenus de la forêt, principale ressource naturelle du pays, afin de pouvoir<br />
4 Pour une analyse des objectifs initiaux des concessions tels qu’envisagés par les bailleurs de fonds, la meilleure<br />
source est The Forest Sector in Cambodia… op.cit.<br />
5 Bruce McKenney and Prom Tola, Natural Resources and Rural Livelihoods in Cambodia. A Baseline<br />
Assessment, Working Paper n°23, Phnom Penh, Cambodian Development Resource Institute, July 2002, p.75.