Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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cette économie <strong>concessionnaire</strong> pour les villageois 181 : à la fois une contrainte, une atteinte à<br />
leur patrimoine, à leur mode de vie, à leurs ressources naturelles et à leurs outils et moyens<br />
traditionnels de travail et une opportunité d’accès à l’économie de marché, à la modernité<br />
matérielle (maison en bois, moto, voitures, vêtements) et à des opportunités de<br />
développement, individuelles (emploi, ressources monétaires) et collectives (routes, et plus<br />
généralement infrastructures).<br />
Une diffusion généralisée du <strong>modèle</strong> de la concession<br />
Au terme de cette analyse du secteur forestier, il apparaît beaucoup plus clairement que le<br />
<strong>modèle</strong> <strong>concessionnaire</strong> n’est pas, ou pas seulement, une modalité de gestion d’infrastructures<br />
ou de ressources naturelles qui mettrait l’accent sur la coopération entre un « public » et un<br />
« privé » bien identifiés, sur une contractualisation transparente et surveillée entre acteurs et<br />
institutions responsables, ainsi que sur des objectif économiques et financiers. L’analyse des<br />
concessions économiques et forestières démontre au contraire la primauté des logiques<br />
politiques et sociales dans la signification de ce <strong>modèle</strong>, dans ses effets aussi. La trajectoire<br />
historique cambodgienne, faite de violence et de domination autoritaire, de dépendance<br />
économique et de fortes inégalités sociales, imprègne inévitablement les contours des<br />
concessions forestières comme des autres formes de concessions. Il est frappant de noter<br />
comment cette forme de gestion trouve un terrain favorable au <strong>Cambodge</strong> : le système<br />
<strong>concessionnaire</strong> s’est progressivement étendu pour atteindre toutes les autres ressources<br />
naturelles (productions agricoles, pêche, mines et carrières), mais aussi le patrimoine (œuvres<br />
d’art, sites archéologiques), les infrastructures (routes, ports, barrages, universités…), les<br />
activités économiques (tourisme, exportation de textiles, organisation des hommes d’affaires),<br />
les frontières… L’analyse du secteur forestier permet de comprendre pourquoi cette forme<br />
spécifique de délégation est devenue dominante : en laissant précisément aux acteurs locaux<br />
une marge de manœuvre exceptionnellement élevée, elle a l’avantage de transformer une<br />
contrainte extérieure (l’imposition ou du moins la proposition insistante des bailleurs de fonds<br />
d’adopter la formule du partenariat public-privé) en une opportunité inégalée. Malgré le poids<br />
des pressions internationales, des conditionnalités et de l’orientation des dons et des prêts, les<br />
élites économiques et politiques trouvent dans ce schéma des possibilités particulièrement<br />
181 The Forest Sector in Cambodia...op.cit.