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Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo

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Conclusion : une économie de concession et de guilde<br />

Le <strong>modèle</strong> du partenariat public-privé et les nouvelles modalités de gestion promues par les<br />

institutions internationales dans le contexte de la libéralisation et de la privatisation ont été, au<br />

<strong>Cambodge</strong>, entièrement intégrés et réappropriés par une économie politique très particulière,<br />

celle de l’après-guerre et de ses logiques d’intégration et d’exclusion, celle de l’économie de<br />

rente, rente forestière et minière bien sûr, mais rente de l’aide aussi, celle des processus de<br />

production de l’inégalité et notamment de constitution d’une élite politico-économique forte,<br />

celle enfin d’une domination politique particulièrement coercitive. Il en est résulté une<br />

économie <strong>concessionnaire</strong> caractérisée par la simultanéité de la fragmentation de l’espace<br />

économique et de la centralisation de son contrôle, par un chevauchement perpétuel du<br />

« public » et du « privé », catégories éminemment fluides, par la primauté du court terme et<br />

l’absence de vision globale. Cette conception segmentée de l’économie et les processus de<br />

délégation ciblée qui lui sont associés sont rendus possibles et simultanément alimentent<br />

l’organisation en « guildes » de la société cambodgienne. Ainsi, les okhnas représentent-ils<br />

aujourd’hui les principaux acteurs de cette économie ; les étrangers ne peuvent l’investir et<br />

développer leurs affaires au <strong>Cambodge</strong> que s’ils ont été agréés par eux. La signification même<br />

de l’okhna a changé dans le temps : pendant des siècles elle a été un titre de noblesse,<br />

noblesse de robe, octroyé par le roi pour récompenser les services du notable ou du serviteur<br />

zélé, notamment en tant que gouverneur. Depuis la fin des années 1990 cependant, sa<br />

signification s’est adaptée aux évolutions du contexte et du jeu politique et elle traduit très<br />

concrètement le processus de concentration coercitive et personnalisée du pouvoir autour de<br />

Hun Sen. L’okhna est désormais ce bienfaiteur d’une nature très précise, celui qui donne un<br />

certain montant au Premier ministre lui-même et qui seul lui assure l’accès à cette économie<br />

de concession, sans pour autant bénéficier d’un capital symbolique. Autrement dit, ce titre a<br />

été réinventé afin que les affairistes et les tycoons du régime bénéficient d’un statut. Les<br />

okhnas constituent en <strong>quel</strong>que sorte une guilde des entrepreneurs et hommes d’affaires agréés<br />

par le pouvoir, par qui doivent passer toutes les activités rentières et <strong>concessionnaire</strong>s. Les<br />

plus importants d’entre eux 221 sont Ly Yong Phat, directeur général de Hero King, Sok Kong,<br />

président directeur général de la Sokimex et président de la chambre de commerce de Phnom<br />

Penh, Mong Reuthy, président du groupe qui porte son nom, Kok An, président de Anco<br />

Brothers, Kith Meng, président du Royal Group, Kong Triv, directeur général de KT Pacific<br />

221 Source : entretiens, Phnom Penh, octobre 2004.

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