Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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suggèrent que ces incohérences et ces insuffisances ne peuvent être interprétées en termes<br />
d’absence de maîtrise et de contrôle. Il est incontestable que les forces centrifuges<br />
s’épanouissent à l’ombre du système des concessions ; l’importance des initiatives locales et<br />
des microdécisions explique également le sentiment d’incohérence et de fragmentation. Une<br />
fois concédées, les concessions forestières tout comme les concessions agricoles deviennent<br />
souvent une « cour de récréation pour les barons locaux 145 », hommes politiques influents,<br />
hauts fonctionnaires, commandants militaires les plus puissants de la région. L’échelon local<br />
devient fondamental pour tous les arrangements concernant les violations, les contournements<br />
et les activités illégales, pour les accords tacites avec les autorités administratives et<br />
policières, pour les compromis sur les différentes normes ou compréhensions de la légalité,<br />
pour les transactions, les accommodements et les résolutions de conflits 146 . Cette constitution<br />
en fief est certainement accentuée dans les régions frontalières où les enjeux sécuritaires et de<br />
souveraineté autorisent une implication plus intense des forces armées ainsi que dans les<br />
zones de développement militaire où les concessions sont aussi des instruments de<br />
démobilisation et de contrôle des soldats ou dans les bastions Khmers Rouges (Pailin) qui<br />
bénéficient d’une autonomie relative.<br />
Pourtant, la force des pouvoirs locaux et l’organisation pour ainsi dire en fiefs du contrôle<br />
territorial ne peuvent être interprétées en termes d’affaiblissement de l’Etat central. Ce dernier<br />
exerce aussi son pouvoir en prenant en compte et en s’insérant dans les rapports de force<br />
locaux, en tentant de jouer à son avantage de ces forces centrifuges 147 . Ce processus procède<br />
simultanément d’une tolérance aux arrangements locaux, d’un accommodement aux forces<br />
centrifuges et d’un usage intensif de l’intermédiation, ces hommes forts régionaux jouant au<br />
niveau local un rôle de mise en œuvre et de consolidation des alliances. Les potentats locaux<br />
font pleinement partie d’un système d’allégeance et de clientèle qui renforce la centralisation<br />
et en particulier le pouvoir du Premier ministre 148 . Il n’y a en <strong>quel</strong>que sorte pas de<br />
contradiction entre ces compromis, ces arrangements et ces logiques locales d’une part et de<br />
l’autre, un contrôle central non moins réel passant par des individus et par des réseaux PPC.<br />
Le cas de l’armée est particulièrement révélateur. Certes, les zones de développement<br />
144 Dont le propriétaire, M.Mong Reuthy est lié depuis la guerre à Hun Sen<br />
145 Ruth Bottomley, “Contested Forests…” art.cité, p.<br />
146 So Sovannarith, Real Sopheap, Uch Utey, Sy Rathmony, Brett Ballard & Sarthi Acharya, Social Assessment<br />
of Land in Cambodia… op.cit.<br />
147 Sur cette dimension locale du renforcement du pouvoir central, voir ci-dessus R.Bertrand, « Le carnaval<br />
démocratique », supra.<br />
148 Entretiens, Phnom Penh, octobre 2004 et Paris, novembre 2004. Voir également S.Heder, « Political<br />
Theater… », art.cité