Cambodge : quel modèle concessionnaire ? - fasopo
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d’affaires puissants qui exploitent indistinctement dans et hors de la concession 108 . Etant<br />
donné leur insertion sociale et politique, ils ont eu tout loisir de devenir quant à eux<br />
« rentables » en outrepassant toutes sortes de règles et de contrôles. Le <strong>concessionnaire</strong>,<br />
souvent un étranger, n’est donc pas l’acteur principal du système <strong>concessionnaire</strong>, encore<br />
moins celui qui contrôle, maîtrise et réglemente le processus ; l’ensemble de sous-traitants<br />
civils et militaires constitue le maillon central mais invisible de la chaîne d’exploitation<br />
forestière. Cette invisibilité concerne les contrats, les responsabilités, les planifications mais<br />
certainement pas la présence physique, encore moins la répartition des revenus financiers et le<br />
partage du pouvoir. En revanche, dans le cas de <strong>concessionnaire</strong>s cambodgiens, la coupure<br />
entre <strong>concessionnaire</strong>s et sous-traitants n’est plus du tout aussi rigide, les premiers étant<br />
financièrement, humainement, politiquement et socialement intimement liés aux seconds. Il<br />
est par exemple avéré que des membres de la fameuse brigade B70 (les gardes du corps de<br />
Hun Sen) ont été mis à disposition de Phea Pimex, société dirigée par Choeung Sopheap, dont<br />
on dit qu’elle est l’amie intime de la femme du Premier ministre. Mais le problème de la<br />
dilution des responsabilités et de l’incitation à l’illégalité demeure, parfois même exacerbé.<br />
On aboutit donc au paradoxe suivant : le système des concessions, mis précisément en place<br />
pour contrôler et introduire de l’ordre dans les coupes anarchiques, a été tellement transformé<br />
et adapté (« dévoyé » diraient les donateurs et les ONG) qu’il n’est désormais plus viable en<br />
raison de son incapacité à assurer une autorégulation. Par ailleurs, les <strong>concessionnaire</strong>s et les<br />
militaires ont désormais compromis leur position si bien qu’il ne leur reste plus qu’à se retirer<br />
ou à s’enfoncer davantage dans ces illégalismes. Mais contre toute attente, ce système perdure<br />
à la fois parce que les conditions de réussite de <strong>modèle</strong>s alternatifs de gestion (système des<br />
forêts communautaires ou implication plus massive de l’administration étatique) ne sont pas<br />
réunies et parce que d’importants intérêts partisans, politiques et sociaux trouvent dans le<br />
schéma actuel un excellent terrain de déploiement, favorisé par le processus en cours de<br />
privatisation à tout va.<br />
108 Bruce McKenney and Prom Tola, Natural Resources and Rural Livelihoods in Cambodia…op.cit.